Entretien avec Guy Ducos.

Les 10 décembre 1999 et 5 janvier 2000 à Bordeaux

Mémoire de Stéphanie Vignaud.

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de la frontière
L'arrestation Prisons
françaises
Sachsenhausen Marche de
la mort.
Libération.


Le temps s'est écoulé comme ça jusqu'à l'hiver suivant, c'est à dire l'hiver 1944–1945 avec un incident. Parce qu'entre autre action de sabotage, certains qui faisaient partie de l'équipe - ce pauvre Viala qui est mort le jour du bombardement - il n'empêche que c'est lui, paraît-il, qui faisait cela, ce qui était totalement absurde: il mettait des morceaux de ferraille sur le pont roulant en haut. Alors, il se glorifiait de ses actions de sabotage dont il ne me parlait pas à moi évidemment. Et heureusement, cela ne m'est pas arrivé à moi. Mais, ils avaient mis un compère, ils avaient doublé la conduite du pont roulant avec un Allemand, un petit peu plus âgé que moi, qui s'entraînait sur le pont roulant, dans la perspective de travailler jour et nuit, pour qu'on puisse se relayer, se relever. L'un travaille le jour, l'autre la nuit. Toujours, ils étaient toujours dans cet objectif là de faire travailler l'usine jour et nuit. C'était au moment que ce gars là était aux commandes et que moi, j'étais au petit coin, j'entends un fracas épouvantable: une grande roue du pont roulant cassée en deux, un morceau qui tombe! L'Allemand en question, le lendemain, n'était plus là. Je ne sais pas ce qu'il est devenu. 8i cela m'était arrivé à moi, je ne sais pas ce qui me serait arrivé. Ce n'était pas malin d'une part parce que cela pouvait inévitablement avoir des conséquences parce qu'ils étaient complètement obtus les types: " Ah ! C'est lui qui a cassé le pont! " C'est celui qui conduisait, ils ne sont pas allés chercher plus loin et heureusement parce qu'ils auraient vu le bout de ferraille là-haut et c'est Viala, le pauvre diable... Je dis le pauvre diable parce qu'au mois d'avril, au bombardement du mois d'avril, il a été recouvert par un tas de terre énorme, il n'y avait que les pieds qui sortaient, une bombe qui a sauté à côté de lui, il était peut être blessé aussi. Enfin quelqu'un m'a dit qu'il avait trouvé Viala, reconnu surtout par son pull-over. Il avait un pull-over qu'il avait reçu de chez lui avec un col roulé. C'était le seul d'ailleurs à avoir un pull-over. Sa mère lui avait adressé ça dans un colis et il avait pu le garder. Quelqu'un me dit: " J'ai vu Viala. Je l'ai reconnu à son col roulé. Lui, je ne pouvais pas le reconnaître. Il était gonflé, prêt à éclater! " Parce que son corps n'a été découvert que, je ne sais pas combien de jours après, parce qu'il y avait le déluge partout. C'était un bombardement américain qui a tout labouré là. Il y a eu donc un changement de pont roulant, un pont de fortune a été fabriqué. On l'a mis en place le jour de Noël 1944 et on s'en souvient parce que c'est le jour de Noël, au lieu de rester au block et de se reposer, qu'on est allé à la fonderie pour mettre en place ce pont roulant de secours, qui n'a jamais fait l'affaire d'ailleurs parce qu'il ne montait pas le plateau assez haut et le plateau passait au niveau des têtes, ce qui était très dangereux parce qu'on pouvait recevoir ça. Quand une chaînette s'accrochait à une aspérité, une chaînette de mouvement latéral - ..transversal tout au moins - partait assez vite sur le côtéc et cela pouvait scalper quelqu'un. D'ailleurs, moi, je m'étais fait " enguirlander " par un S.S. avant, avec l'ancien pont. Je passais devant avec mes chaînes et je disais: " Vorsicht. Platz machen ! (Attention Faites place !) " Un S.S. qui venait d'arriver m'a bousculé, il m'a dit: " Was? Qu'est-ce que c'est? Vous empêchez les autres de travailler !" J'empêchais les autres de travailler parce que je leur disais de faire de la place! " Vous n'avez qu'à passer, on passe! " Pour lui, on devait passer, advienne que pourra ! Mais si des gars reçoivent le plateau en pleine figure, c'est fini ! C'était un véritable jeu de quilles: traverser tout le hall où il y avait 250 personnes là, inévitablement, j'aurais créé des accidents.

Fonderie, difficultés durant l'hiver 1944- 1945 : manque d'approvisionnements en pièces, en métal. On avait vu arriver des wagons entiers de baïonnettes françaises parce qu'ils récupéraient tout dans les pays occupés. Comme a du vous le dire Gilbert Noailles chez Speer, ils décortiquaient les câbles neufs venant de France. Ils avaient trouvé ça dans des stocks de câbles de l'EDF à l'époque. Ils avaient trouvé ça en France, ils ramenaient ça chez eux et puis ils décortiquaient pour mettre le cuivre d'un côté, le plomb de l'autre. Et là, c'était des baïonnettes c'était des wagons entiers, des grands wagons remplis de baïonnettes françaises. On a été amené à les débarquer justement avec Chataigné. Et la fonderie avait des difficultés à tourner. Ensuite, Guy a disparu, il est reparti à Heinkel. C'est tout à fait farfelu tout ça, cette histoire. Ils étaient de plus en plus désorganisés, il n'y a pas de doute. Ils ne savaient plus ce qu'ils faisaient - je parle des S.S. Et, on avait nous un régime pendant un certain temps qui était effarant et que j'ai supporté très mal. On allait trier de la ferraille dans un champ, sous la neige par moins 25 degrés, moins 25 degrés en dessous de zéro, avec le même habit: simplement la veste, une chemise. Chataigné se souvient que j'avais trouvé le moyen d'avoir une deuxième veste, il me dit: " Tu avais tes deux vestes ". Je risquais d'avoir des problèmes sérieux avec les 8.8. s'ils m'avaient trouvé avec deux vestes sur le dos. Bon, moi, à un moment donné, j'avais trouvé le moyen - je ne sais pas comment j'avais fait - d'avoir une deuxième veste. Mais, ce n'était pas au moment justement où il faisait le plus froid, c'était en dehors. Là, c'était très difficile de supporter dehors toute la journée moins 25 degrés à tripoter de la ferraille glacée et le lendemain du dernier jour où l'on faisait cela, c'était la fonderie avec de la fonte à 2000 degrés. Alors, pour l'organisme, c' était un peu bizarre. Trop chaud, trop froid, c' était difficile. Cela " bouffait " des calories, ça certainement. Et à ce moment là, les rations s'amenuisaient: la boule, au lieu d'être à quatre ou à six, était devenue à huit ou à dix, je ne me rappelle plus. Ce qu'on appelait la boule, c'était un morceau de pain; et les pommes de terre, c'était pareil, tout était réduit; les fameux petits suppléments qu'on obtenait quand ça marchait bien, on ne les voyait plus. Donc, ça a été une période très difficile là. A un moment donné, j'ai bien cru que j'allais y rester. Le bombardement arrive dans les beaux jours. On savait qu'il y avait des bombardements, on les entendait partout la nuit, ça " canardait " Berlin, c'était incroyable, inimaginable la quantité de bombes qui sont tombées sur les villes allemandes. On n'a jamais vu l'équivalent depuis. Quand on a revu Berlin après guerre, à hauteur de Unter der Linden, c'était un champ ou presque, il restait quelques colonnes du Berliner Theater, des trucs comme ça mais très peu. Tout le reste était rasé, rasé, rasé! C'est comme si du Cours de l'Intendance, il ne restait plus rien, une maison ou deux, c'est tout! Effarant! C'était tout un tas de ruines à Berlin. Puis un beau jour, les bombardiers sont venus pour nous, c'est à dire pour Klinker effectivement, pour l'industrie de guerre certainement. Je pense que la fonderie et la briqueterie à côté où se finissaient les grenades tournaient, etc... il y avait des ateliers pour la finition, étaient spécialement visées. Le camp, le grand camp, ils ne l'ont pas touché sauf un avion qui a été touché à un moment donné et qui a dû larguer sa cargaison pour essayer de se sauver. C'est tout. C'est tombé par inadvertance, ce n'était pas intentionnel. Là, il y a eu un bombardement qui a duré plusieurs heures, enfin, avec des vagues successives. La première vague est tombée sur la fonderie et sur le petit camp. Mais quand on dit vague, on avait l'impression qu'il y avait des centaines d'avions peut-être, le ciel s'obscurcissait parce que les avions passaient entre le soleil et nous. On n'était pas dehors mais on a vu le ciel s'obscurcir et puis on a entendu ce vacarme qui arrivait. Parmi les premières bombes, il en est tombé une près des fours, toute la toiture de la fonderie est tombée. Alors, moi, j'ai bondi derrière une murette qui était faite pour protéger des fusibles... pas des compteurs, c'était des fusibles, des circuits qui étaient sur le bord du mur. Ils avaient mis une murette pour ne pas que ça prenne des coups avec le travail: le port des poches, le démoulage des grenades, etc... que ça reçoive des projectiles. Une murette avec des briques assez épaisses. Je me suis mis là derrière et j'ai attendu que passe cette première vague. Quand ça s'est arrêté, j'ai ouvert les yeux, je ne voyais rien. J'ai cru que j'étais devenu aveugle. J'aVais entendu comme un bruit de grande tôle qu'on froisse. Ca ressemble à un bruit comme ça des bombes qui explosent très près. Il y en a une qui est tombée juste de l'autre côté du mur contre lequel je me trouvais. C'était des murs très épais heureusement, des murs très épais. C'était une bombe de 150 kilos, je crois, qui est tombée de l'autre côté. Mais il en est tombé dans la fonderie, bombes incendiaires aussi. Des hurlements partout: des types qui étaient touchés et qui hurlaient, d’ailleurs, touchés par des bombes incendiaires. Des flammes partout, de la fumée... Je me suis aperçu que je n'étais pas aveugle parce que j'ai vu mes doigts. J'ai compris après que c'était la poussière du toit... enfin des poutres métalliques, de tout ce qui était en haut qui se posait parce qu'on fabriquait beaucoup de poussière. Et tout ça s'est mis en suspension dans l'air et a rendu l'atmosphère pratiquement impénétrable pour l'œil. C'était vraiment un obscurcissement complet. J'ai eu l'impression de devenir aveugle. Alors là, on pense à beaucoup de choses quand des bombes vous tombent dessus, on dit... Moi, j'ai pensé à ma mère effectivement, ma mère était beaucoup pour moi et puis... je ne sais pas. On sentait bien que c'était un coup de " pot " si on s'en sortait. Tout était criblé. Ca tombait de partout. Et puis, dès que ces premières vagues ont cessé, j'ai cherché à sortir. Là, je rencontre vers la sortie de la fonderie, il y avait sur le côté les WC, un espèce de lavabo - il y a encore des traces dans la forêt - et il y avait là des lavabos pour les civils qui n'y étaient plus à l'époque, il n'y avait pratiquement plus de civils. Je n'en ai vu aucun d'ailleurs dans la fonderie, à part le Meister qui était là mais je n'ai vu personne à côté, autour de lui. Et là, il y avait une fenêtre assez basse, qui n'avait plus de carreaux évidemment. Je suis passé par là. J'ai voulu sauter par la fenêtre. Et au moment où j'ai voulu sauter la fenêtre, mon bonnet, mon Mützen s'est accroché à un bout de verre à la fenêtre au-dessus et est tombé dans la pièce. Et moi, je me suis retrouvé dehors sans bonnet, sans le béret, sans le Mützen. Et là, j'ai eu une réaction parce qu'on était conditionné là dedans, il fallait avoir son Mützen sur la tête parce que si on rencontrait un S.S., il fallait faire " Mützen ab ", il fallait enlever son Mützen, si on n'avait pas de Mützen, on recevait une " dérouillée " ou on se faisait repérer et on avait des sanctions qui pouvaient aller loin d'ailleurs, jusqu'aux 25 coups sur les fesses, etc... enfin ça dépendait de l'humeur de ces messieurs. Alors je me suis dit: " Mon Mützen ", déjà que je n'avais plus de veste, je n'avais plus mon numéro qui était sur la veste évidemment, je crois qu'on l'avait sur le pantalon encore. C'est curieux, je n'ai plus la mémoire, je ne me rappelle pas si je l'avais sur le pantalon. Chataigné me dit qu'on l'avait sur le pantalon aussi, c'est possible. Machinalement, je reviens pour reprendre mon Mützen et j'avais vu un copain qui vit encore - on l'appelait le " gardian ", il est de Sainte-Marie-de-la-Mer, en Camargue - et il me dit: " Mais toi, tu dois la vie à ton Mützen. Tu dois la vie à ton Mützen. " Il se souvient de ça. Quand il m'a dit ça, la première fois que je l'ai rencontré, ça m'a remémoré un détail dont je ne me souvenais plus. Il faut dire qu'il y avait pas mal d'événements majeurs, on ne savait plus lequel retenir ou pas. Enfin, il y avait des choses oubliées. Et effectivement, je reviens pour prendre mon... Je ressaute par la fenêtre, au moment où je me baisse pour prendre mon béret, une bombe tombe... je ne sais pas... à un mètre de l'endroit où je me trouvais quand j'ai décidé de faire demi-tour ! C'est vraiment un hasard extraordinaire! Je ne serais pas revenu, je recevais la bombe dessus parce qu'elle est tombée un petit peu plus loin, j'aurais été à quelques mètres. Alors, le cratère qui était profond, presque comme le plafond (ce qui fait trois mètres environ) parce qu'il y avait du sable, c'était un terrain sableux, un terrain assez tendre alors les bombes s'enfonçaient assez profondément avant d'exploser. Et, je ne suis quand même pas resté dans la fonderie, j'ai pris mon bonnet et je suis parti. J'ai sauté dans ce trou au moment où une nouvelle vague arrivait parce qu'elles se succédaient assez vite les vagues. Les périodes d'accalmie étaient assez brèves entre les vagues. I1s étaient en train de labourer totalement le coin. Et là, je trouve un Russe - je me souviens - un Russe qui avait la cuisse ouverte. Il saignait abondamment, alors je lui ai pris sa ceinture, je lui ai fait un garrot. Je ne sais pas si c'était la chose à faire parce que, finalement, ce n'était pas l'artère fémorale qui était touchée. Et finalement, un garrot que l'on fait en amont quand c'est une veine, ce n'est peut être pas judicieux ! Mais enfin, le gars, il ne pouvait pas bouger. Dès qu'il bougeait, il saignait beaucoup alors l'essentiel c'était qu'il ne perde pas tout son sang! Alors, je lui ai fait avec cette ficelle et tout ça et puis moi, je ne suis pas resté là. J'ai cherché à rejoindre l'espèce de blockaus qu'il avait plus loin, qui était " plein comme un oœuf ", ils étaient tous là, il y en a même qui étaient presque à l'entrée du blockhaus, ils étaient sur les marches, presque à l'air libre. S'il y avait une bombe par hasard qui tombe par là, ils ramassaient des éclats. Chaque fois que je passais devant la fonderie, le camp étant dans le dos, chaque fois qu'on arrivait à la fonderie depuis quelques temps, je " reluquais " ces tuyaux, des tuyaux de canalisation souterraine qui avaient une section (environ un mètre), c'était assez grand, des tuyaux en acier qui se mettent bout à bout, qui se vissaient d'ailleurs. Je ne sais pas si c'était pour l'eau, pour du gaz, pour... je ne sais. Il y avait donc ces tuyaux de canalisation entassés comme ça, comme des baguettes. Je les ai mises là mais en réalité, ce n'est pas ça. Je dois la vie à ce truc là. C'était plus loin en réalité. Et je me suis dit: si je me glisse dans le tuyau du milieu, que je me glisse à l'intérieur, je suis protégé de droite, de gauche, d'en haut et puis au fond parce qu'il y avait encore un tas en travers au fond, je ne suis vulnérable que de ce côté là. (l'entrée) Mais, ma foi, c'est difficile de trouver mieux. Et effectivement, s'il tombe quelque chose dessus, c'était terminé, il n'y avait rien à faire. Enfin, on cherche à se protéger. J'y avais pensé à plusieurs reprises quand on passait le matin. Et c'est ce que je recherchais. Il y avait un type qui était là avec une bombe phosphore, un bâtonnet phosphore piqué dans le dos ou sur le côté. Il était noir comme du charbon, il n'y avait que la plante de ses pieds qui avait couleur de chair, tout le reste était noir comme du charbon. C'était une bombe phosphore qui s'était piquée sur lui. D'ailleurs, cela faisait une chaleur énorme quand elles tombaient ces bombes là et même à distance. Cela faisait une luminosité et une chaleur énormes. C'en était criblé. Cela tombait partout, partout. Et je me mets donc dans ce tuyau et j'attends. A un moment donné, il y a un fracas épouvantable: une bombe est tombée au ras du tas, sur le côté. Mon tuyau en bas a été à peine traversé par un éclat qui m'a touché au bras, j'ai été fendu. Je suis resté longtemps à me demander si je n'avais pas l'éclat dans le bras. J'ai passé une radio mais il n'y était pas. Cela faisait comme une bouche, une lèvre. C'était assez profond. Ce n'était rien, c'était minime comme blessure. Mais, si je raconte cela, c'est pour les autres, ceux qui s'étaient mis... Parce qu'il y en a d'autres qui erraient comme moi, qui se demandaient où aller. Chataigné est allé se mettre au milieu d'un tas de briques. Et après, on lui a dit: " Malheureux, s'il y avait une bombe qui était tombée dans le coin, les briques offraient autant de projectiles supplémentaires, s'ajoutant aux morceaux de bombes! " C'était encore plus dangereux. Il n'avait pas fait attention à cela. On l'a blagué avec ça aussi. Il a eu du " pot " de s'en sortir en se mettant là. Il s'agissait de savoir quel était l'environnement dans lequel on se trouvait. On n'avait pas le loisir d'aller courir à 500 mètres ou à 1 kilomètre. Ca arrivait, ça tombait, il fallait faire vite. Les tuyaux qui étaient sur le bord, complètement écrasés avec des types dedans! Alors là, j'ai été surpris, surpris parce que c'est un fait. J'en ai parlé à des gens qui connaissaient ces phénomènes là, ils me disent que cela ne les étonne pas. Le souffle de la bombe est plus important que l'impact des éclats. La bombe qui explose à côté a écrasé le tuyau qui n'était presque pas perforé. Les éclats sont partis: ou sont partis dans le sol si la bombe était relativement en profondeur, ou bien partis dans l'air. Cela part dans toutes les directions! Les types hurlaient là-dedans, des types qu'on n'est jamais allé chercher. C'était impossible d'ailleurs d'aller les chercher. Des gars qui étaient à moitié écrasés et qui étaient encore vivants! Ils hurlaient comme des chiens. On entendait ça! Il y en avait un peu partout des types blessés à mort comme çà. C'est incroyable! Cette ambiance après les dernières vagues, c'est quelque chose d'assez insoutenable! C'est ça que j'ai gardé dans mes mémoires, ma mémoire auditive... ces bruits, ce cri animal de l'homme qui est mourant, qui est blessé mortellement, qui n'est plus conscient sans doute - je ne sais pas. Ce sont des gémissements, des hurlements mais ça n'a plus rien d'humain, pas grand chose. Certains prononçaient des mots. Sans doute, le mot maman devait être prononcé dans toutes les langues. Il y avait plus d'une vingtaine de nationalités. Je raconte peut être trop dans le détail cette phase là parce que c'est comme cela que ça s'est passé et j'ai voulu le situer.

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