Entretien avec Guy Ducos.

Les 10 décembre 1999 et 5 janvier 2000 à Bordeaux

Mémoire de Stéphanie Vignaud.

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Libération.


L'étudiante: Pouvez-vous vous présenter?

Guv DUCOS: Alors, nom patronymique: Ducos, assez répandu dans la région. Prénom : Guy ,deuxième prénom: Jean. C'est une précaution à prendre quand on a un nom de famille qui est presque un nom commun, ancêtres généreux dirions-nous. Je suis né le 12 avril 1923 dans le Médoc, dans un petit port de pêche du nom de Macau, à l'époque port de pêche mais qui ne l'est plus maintenant. Il n'a plus du tout le même aspect. Cela est devenu une banlieue dortoir éloignée de Bordeaux, de 18 à 20 kilomètres. L'activité de pêche existe encore mais le port lui-même n'existe plus, le chemin de halage n'est plus utilisé, même interdit. J'ai vu qu'il y avait une pancarte: interdit. Et puis il s'est envasé parce qu'il n'est plus entretenu car il y a beaucoup de vase dans la Garonne. Et voilà, je suis né de parents qui se sont trouvés là. Je suis le fruit du hasard - comme beaucoup de gens d'ailleurs - ma mère étant institutrice, fraîchement normalienne, mon père aussi. Ils étaient affectés à la petite école de Macau. Mes origines sont là.

Pourquoi ma mère a été nommée là? Il faut quand même le citer parce que cela peut présenter un intérêt en donnant une idée de ce qu'était l’organisation de la vie à ce moment là. Cela a tellement changé depuis 1923 ou les années 1920. Mon grand-père, officier des douanes, était responsable d'un détachement de douaniers posté dans le coin - ce qui n'existe plus je pense maintenant - et ils avaient de multiples tâches qui n'existent plus non plus. ils allaient même jusqu'à vérifier le degré alcoolique des vins. C'est très curieux. ils se substituaient par exemple aux poids et mesures à l époque, mais aussi, surveillaient le trafic sur le fleuve. C'était là, la raison essentielle. Alors, mon grand-père après avoir été nommé - enfin, moi qui n'ai pas vécu ça - je considère que c'est ma mère qui a été très itinérante parce que ses parents ont habité à côté de Vannes puis du côté de Brouage, à Brouage même, ensuite à Pauillac, sont remontés à Macau et ma mère avait réussi à obtenir un poste dans la commune où étaient ses parents. Pour elle, ce fut une bonne opération. Et c'est là qu'elle a retrouvé mon père, rencontré dans un poste antérieur, et qu'ils se sont mariés.

Je suis parti de Macau en 1929, j'avais 6 ans, pour aller à Castelnau-de-Médoc où mes parents avaient de l'avancement. Mon père avait pu être directeur de l'école des garçons à Castelnau qui était un chef-lieu de canton et ma mère plus tard, directrice de l'école des filles. Il y a eu un petit décalage parce qu'à l'époque, le mari était toujours en avance et la femme en deuxième position. On commençait par satisfaire la promotion de l'homme avant de songer à celle de la conjointe. Et à Castelnau donc, j'ai habité là pendant d'assez longues années, tout au moins j'ai fait toute ma scolarité primaire jusqu'au certificat d'études et puis après, j'ai été au Lycée et c'est l'époque où j'ai vécu un drame familial parce que mon père a eu des élans de jeunesse, ce qu'on appelle le "démon de midi": il a divorcé pour se remarier avec une autre institutrice beaucoup plus jeune que lui, elle avait 15 ans de moins. Et à partir de ce jour là, il a disparu et a été nommé dans le centre de la France en Touraine. Donc j'ai connu là des événements assez lamentables sur le plan familial. Mais, j'ai connu dans cette commune, dans ce village, des moments de joie aussi et de satisfaction parce qu'on vivait à une autre échelle, on se connaissait tous et se connaître, c'était faire du football le dimanche et c'était faire de l'athlétisme l'été, le football l'hiver. Alors, on était toujours là: il fallait courir, sauter, il fallait écrire, faire des articles de presse. On faisait un peu tout quoi. J'ai connu des moments très agréables et j'ai passé toute mon adolescence, une bonne partie de mon adolescence là, même lorsque je suivais des cours à la faculté, et je peux dire que quand je me suis trouvé plus tard en prison et en camp de concentration, pour moi, l'image de la France, la France, c'était l'image de Castelnau et du groupe scolaire dans lequel j'ai vécu. Donc voilà pour mes origines.

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