Témoignage de Georges Durou

le 14 décembre 1999 à Gradignan

Mémoire de Stéphanie Vignaud


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L'étudiante: "Je vais vous demander de vous présenter."

Georges DUROU : "Je m'appelle Georges Durou. Je suis né le 2 mars 1924 donc j'ai 75ans, bientôt 76. Je suis né en Dordogne.

L'étudiante : Quelles études avez-vous faites?

G.D: Et bien, pour ma part, j'ai arrêté l'école à 14 ans. C'était les quatorze années de l'école obligatoire, de l'école primaire obligatoire qui avait été portée d'ailleurs de 13 à 14ans en 1936 avec le Front Populaire. A 14 ans, j'ai travaillé, voilà. Je suis rentré dans une entreprise de Bègles, de soufre, l'usine Grès. Je m'occupais de faire les papiers, ce qu'on appelait les connaissements et les déclarations en douane pour l'exportation vers l'Algérie, c'était fabriqué à Bègles. J'y suis resté pendant un an ou deux. Ensuite, vers la fin de1939, j'étais employé aux P.T.T .parce que mon père était postier et naturellement les enfants, notamment le fils, suivait la lignée du père. Il y avait donc une priorité pour les enfants des agents. Je suis rentré aux P.T.T. comme facteur télégraphiste jusqu'à mon arrestation le 21 février 1940. Une précision: j'ai été un des premiers arrêtés en Gironde. Et on me reprochait, c'était les termes utilisés par le Tribunal Correctionnel: la propagation des mots d'ordre de la IIIème Internationale à la suite de quoi, j'ai été condamné à un an de prison par le Tribunal Correctionnel de Bordeaux. J'ai effectué au Fort du Râ cette année d'emprisonnement.

L'étudiante: Donc après, vous avez été libéré en 1941 ?

G.D: Pas tout à fait. Lorsque le jour de ma libération est arrivé, à la fin de ma peine, au bout d'un an, le 21 février 1941, les gendarmes m'attendaient au greffe, ils m'ont mis les menottes. Ils m'ont emmené au commissariat aux interrogatoires, j'ai redit les raisons pour lesquelles j'avais été condamné à la prison. Ils m'ont interné au camp de Bacalan, ce qu'on appelait communément le Centre de séjour surveillé à Bacalan, quai de Bacalan à Bordeaux où séjournait déjà depuis le 24 octobre 1940 une centaine de politiques qui avaient été arrêtés préventivement, sans ordre précis, sans autre raison sinon qu'ils étaient communistes. J'étais adhérent du parti communiste avant la dissolution en septembre 1939. Je suis arrivé, on m'a mis avec ceux qui étaient mes amis politiques, lorsque la Préfecture a décidé de mettre en place un véritable camp de concentration, qu'on appelait toujours Centre de séjour surveillé à Mérignac, on a tous été transférés quand le camp a été prêt, à Mérignac, au camp du Pichey. Là, je suis resté jusqu'au mois de novembre 1942, j'ai eu le privilège d'avoir été enfermé dans ce qu'on appelait la baraque des otages, au camp de Mérignac. En effet, une instruction allemande prévoyait qu'on allait appliquer une politique d'otages pour effrayer la population , c'est à dire qu'en réserve d'attentats ou autre fait de Résistance, on fusillerait des otages. Donc à Mérignac, à la prison, une baraque se trouvait à peu près au centre du camp. Ils l'ont entourée de frises de barbelés et on y a enfermé vingt personnes -dont j'étais - qui étaient considérées comme dangereuses pour l'ordre public. Dans cette baraque des otages -nous étions 20-21 à l'époque - le 24 octobre 1941,50 otages ont été fusillés dont 13 de la baraque des otages et dans l'ensemble du camp 47. Voilà. J'ai eu aussi l'envie de m'évader. Malheureusement, j'ai été repris et à la suite de cette tentative d'évasion manquée, les Allemands sont venus me chercher au camp de Mérignac et m'ont ramené au Fort du Râ. Donc de Novembre 1942 à janvier 1943, je suis resté au Fort du Râ, en janvier 1943, ils ont décidé de déporter en Allemagne parce qu'ils avaient besoin de main d'œuvre tous ces gens qui étaient dans les prisons. A ce moment-là, ils avaient d'énormes difficultés sur le front russe avec la Bataille de Stalingrad. Ils avaient donc décidé de récupérer de la main d'œuvre puisque le S.T.O. n'avait pas bien marché, et que ce qu'on appelait la relève - pour trois Français qui partiraient travailler en Allemagne, un prisonnier de guerre serait libéré - n'avait pas donné de résultat. J'ai fait partie du convoi de janvier 1943. Je suis parti du Fort du Râ et nous sommes arrivés à Compiègne, au centre de regroupement. Nous avons été déportés le 20 janvier par là, vers Sachsenhausen.