ENTRETIEN AVEC René DAUBA

le 24 novembre 1999 à Caudéran à 10 heures.
Mémoire de Stéphanie Vignaud


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L'étudiante: «Alors, la Carte rouge ? »

R.D :.: « Vous n'avez pas entendu parler de la Carte rouge ? C'est curieux. Enfin non, ce n'est pas curieux. [il me la montre] »

L'étudiante: «Tout de suite après votre retour elle est datée cette carte. »

R.D : « Oui. C'est une des premières photos qui a été prise, enfin par un photographe professionnel. C'est une des premières photos qui a été prise après mon retour celle ci. J'ai une tête d'ailleurs affreuse. On voit que j'ai besoin de grossir! C'est la même ici. (il me montre une autre carte)

Alors, les Cartes rouges. C'est un groupement, les Cartes rouges, qui a été fondé pendant la guerre par... comment il s'appelait ? Un groupement qui a été fondé pendant la guerre et qui essayait de venir en aide aux détenus des prisons de la Gironde. Le groupement des Cartes rouges, on y adhérait… Ce n’est même pas moi qui ai adhéré. Ce sont mes parents qui ont eu connaissance que ce groupement existait et peut être ont-ils pensé qu'ils pouvaient avoir des nouvelles plus facilement, etc... Et vous avez tous les gens de la Gironde ou tous ceux qui sont passés dans les prisons de la Gironde: le Fort du Râ, l'annexe du Fort du Râ... Ils figurent là-dessus. Pourquoi les Cartes rouges ? C'est une association qui existe toujours les Cartes rouges, elle est bien moins agissante qu'il y a 50 ans. Il y a peu de membres maintenant. Elle est présidée par Melle Batany. Vous avez entendu parler de Melle Batany ? Melle Batany est une personne âgée mais qui fait beaucoup pour les anciens déportés ou les anciens résistants parce qu'elle a son frère qui a été abattu par la Milice à Montpellier à la veille de la libération de la ville. Et puis, il a été abattu après d'atroces souffrances. Elle s'attache justement au souvenir de son frère. Elle est présidente actuellement. Ce groupement s'appelle les Cartes rouges. Pourquoi ? Parce que, vous savez au Fort du Râ, les détenus résistants, politiquement marqués, pour lesquels les Allemands avaient quelque chose de précis à reprocher étaient marqués d'une carte rouge sur le porte de la prison. Et vous retrouverez ici Dauba René, employé du Trésor, vous retrouverez Ducos Guy, étudiant école des filles de Castel-Médoc. Il était étudiant à l’école des filles parce que je crois que sa mère était institutrice à Castelnau. Moi, ce sont mes parents qui m'ont fait inscrire. »

L'étudiante: «Quelle profession faisaient vos parents à Mont-de-Marsan ? »

R:D. : « Mes parents habitent Mont-de-Marsan. Mon père était chauffeur-receveur à la Régie Départementale Transports des Landes. Donc il était pratiquement toutes les semaines, il venait à Bordeaux plusieurs fois. »

L'étudiante: «Chaque année, il y a des pèlerinages qui sont organisés par l'amicale, est-ce que vous y participez ? »

R.D :~ : « J'ai fait quelques … On appelle ça des congrès nationaux. Enfin, il y a deux choses : les congrès et les pèlerinages. Je n'ai jamais voulu revenir là-bas. Jamais. J'ai une aversion profonde pour cette terre. Je n'ai jamais voulu y revenir et je vais vous raconter une anecdote. Il y a une vingtaine d'années avec l'ancien président à la F.N.D.I.R, il avait organisé un pèlerinage à Colombey et au Struthof Il avait organisé donc un pèlerinage et nous sommes allés jusqu'à Strasbourg. Je n'ai pas voulu passer le Rhin pour aller de l'autre côté. J'y reviendrai peut être un jour, je n'en sais rien. Il faudra que ce soit mes enfants ou mes petits enfants qui me le demandent. Personnellement, je pense... De toute façon, je ne retrouverai rien de ce que j'ai connu, même Buchenwald, même le Kommando où je suis resté pendant un an et demi ou plus, même Sachsenhausen où je n'ai fait que passer puisque j'ai fait... Je crois que je ne reconnaîtrais rien du tout. A quoi ça sert ? Par contre, je sais qu'il y a des camarades qui vont très régulièrement, de toutes les amicales d'ailleurs: Sachsenhausen, Buchenwald, Neuengamme, Dachau, Falkensee... Beaucoup de camarades font des pèlerinages annuels. Vous avez à l'Amicale de Sachsenhausen, un couple mari et femme qui sont très dévoués pour ça et qui font des pèlerinages tous les ans. Alors, ce que je fais maintenant, j'assiste à tous les congrès nationaux de ma fédération. Les congrès départementaux puisque je suis le trésorier départemental mais les congrès nationaux aussi puisque je suis membre de certaines commissions lorsque le congrès national a lieu. Cette année, c'était à Gérardmer et en l'an 2000, le congrès national de la F.N.D.I.R aura lieu à Quimper. Alors là j'assiste tant que je peux me le permettre, tant que ma santé me le permet, j’assisterai. Les congrès nationaux des amicales, tant Buchenwald que Sachsenhausen, je n 'y vais plus. »

L'étudiante: «Et celui de Bordeaux ?»

R.D :~ « Ah celui de Bordeaux. Cette année, nous l'avons fait à Bordeaux à la Maison des Combattants. Autrement, on change tous les ans : on peut le faire à Pauillac, on peut le faire à Bazas, on peut le faire à Libourne parce que les camarades de la fédération habitent dans le Médoc, habitent dans le Libournais, dans le Bazadais. Il ne faut pas toujours rester à Bordeaux parce qu'ils ne viendraient plus. Mais, maintenant, c'est fini.

Alors les congrès nationaux... Moi, je me souviens : quand on faisait les congrès il y a 20 ans, il y avait 600-800 personnes; quand on est maintenant 300, c'est déjà pas mal. Parce que chez nous, la différence... Je ne dénigre pas la F.N.D.I.R.P parce qu'ils sont beaucoup plus agissants. Vous savez nous, nous sommes fatigués. Eux ne le sont pas. Ils ont une motivation que nous n'avons pas. Autrefois, je participais aux exposés qu'on faisait dans les collèges et les lycées, je n'y vais plus. Pourquoi ? Parce qu'en même temps, j'ai des déclarations d'impôts sur le revenu d'une multitude d'amis, de camarades, de familles, au mois de février. Au mois de février, j'ai un mois.qui est extrêmement chargé. Alors, je ne fais plus les exposés. Mais vous avez des camarades de la F.N.D.I.R.P qui y vont. Il y en a de la F.N.D.I.R mais moins certainement. Ils ont beaucoup de sympathisants qui sont chez eux, qui n'ont rien à voir avec la déportation mais qui paient leur cotisation.

[II me montre son bidon] Ca, c'est un bidon « boche » ça. Je le garde en souvenir. Il m'a servi d'ailleurs parce que quand on pouvait avoir de l'eau après notre libération, je le garnissais. Je garde çà en souvenir :: 23 avri11945. »

L’étudiante : « Merci."