La Gironde sous l'occupation.
La poche du Médoc.

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Marie Bartette
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nominatifs

Colonne d'Arcachon
Mouvement: A.S./O.C.M.
Lieu: Bassin d'Arcachon

Le front du Médoc 1944/1945.
Bordeaux 1940-1944, René Terrisse
A.D Fonds Calmette 62J

Témoignage de Mademoiselle Bartette
Place de la Mairie
Arcachon

Recueilli par A. Calmette
Correspondant girondin du
Comité d'Histoire de l'Occupation
en juin 1948.

La Résistance à Arcachon

Au cours du mois de mai et du début du mois de juin 1940, plus de cent mille réfugiés belges et français sont arrivés à Arcachon. En plus, le Ministère de l'Air avec plusieurs milliers d'officiers, dont la tenue au moment du désastre laissa fort à désirer, se trouvait également dans notre ville.

L'annonce de la demande d'armistice, le 17 juin, ne révolta qu'un petit nombre d'Arcachonnais, la majorité, comme partout, sans doute, n'envisageait pas d'autres solutions devant la débâcle de l'armée française. Le 18, l'appel lancé par le général de Gaulle suscita une grande espérance chez tous ceux qui l'entendirent et on commença à suivre régulièrement les émissions de la B.B.C. Fin juin, on peut dire qu'un tiers de la population croyait fermement à la victoire de l'Angleterre.

Entre le 5 et le 10 juillet, les Allemands pénétrèrent à Arcachon d'une façon discrète. Sans que l'on ait remarqué leur entrée on se trouva soudain envahi par eux. Ils devaient être environ vingt mille à ce moment-là. Ce fut beaucoup plus efficace sur le moral des habitants que les raisonnements et les discours. A la fin de juillet, on avait la très nette impression que 90% de la population étaient hostiles aux Allemands et souhaitaient ardemment leur défaite.

En cet été 40, les exercices de la Wermacht consistaient sur toutes les plages en manoeuvres de débarquement. On les regardait, avec mauvaise humeur ou amusement, mais on chuchotait presque toujours: "Ils n'iront pas en Angleterre".

En octobre, un petit groupe d'amis pose des tracts gaullistes sur les murs et les panneaux d'affichage et lancèrent des affiches allemandes. La première fois, par l'effet de surprise, les tracts restèrent jusqu'à 9 et 10 heures du matin. Les autres tentatives n'eurent pas de succès car ils furent enlevés dans la nuit. Il fallut y renoncer. Dans la nuit du 31 décembre des croix de Lorraine de papier qu'on avait mis 15 jours à confectionner dans plusieurs maisons furent répandues dans les rues principales.

Au début de juillet 41, un jeune homme ayant été contacté par un mouvement de résistance, "le Front souterrain", envoya à quelques personnes un petit tract - quelques jours plus tard, à quatre, on lançait la Résistance arcachonnaise. Ces quatre personnes comprenaient: un séminariste (1), un instituteur (2), une femme et le jeune homme de 19 ans. L'union sacrée, au point de vue politique, était réalisée au départ. L'abbé était chargé de prospecter les milieux de droite, l'instituteur et la femme, les milieux de gauche. Il s'agissait de composer des groupes de 10 hommes avec un responsable devant, seul, connaître les neuf qu'il devait recruter et dont il devait savoir les noms et les adresses sans jamais les écrire. Pas une fiche, pas une note, pas une adresse, aucun texte, était la consigne formelle du "Front souterrain". Fin septembre, 15 sections étaient lancées, pas toutes complètes mais nous dépassions la centaine.

La liaison avec le "Front souterrain" se perdit vers le mois d'octobre et le recrutement continue mais, privé de directives. Au début de 1942, M. Edouard de Luze, mis au courant, s'intéressa de suite à ce groupe de 150 hommes isolés et, à Bordeaux, par M. Léo Paillères, le rattacha à l'O.C.M. (Organisation Civile et Militaire). Sous son impulsion, et avec le travail intense de Robert Duchez, l'instituteur du début, officier de réserve, le groupe s'étendit au-delà d'Arcachon dans le secteur du Bassin et, dans un an, eut l'importance d'un bataillon régulièrement organisé et encadré. Au printemps de 1943, sous l'indicatif "la vie est belle", il était reconnu par Londres et les officiers de réserve, qui le dirigeaient, passaient au grade supérieur. Le capitaine de Luze devenait commandant, le lieutenant Duchez, capitaine et ainsi de suite. Arcachon ne devait pas connaître la débauche de galons qui a bien souvent ridiculisé la Résistance.

Au milieu de l'année 1941, se forma à Arcachon le groupement intitulé: "les Amis du Maréchal". Ils rassemblent plusieurs centaines d'adhérent; on parlé de 600. Dans le nombre il y avait de très bon Français égarés par les étoiles du maréchal et aussi les collaborationnistes. Deux réunions publiques eurent lieu, une en 1941 et la deuxième, au printemps de 1942. Après le débarquement en Afrique du Nord les bons pétainistes, la majorité, devinrent giraudistes et on ne parle plus des "Amis du maréchal".

Les tentatives faites pour lancer à Arcachon des mouvements tout à fait collaborationnistes (Doriot, Déat, etc...) échouèrent lamentablement.

Au mois d'avril 1943, eut lieu dans les environs de Marcheprime le premier parachutage d'armes et d'explosifs. Un an plus tard, la section de parachutage d'Arcachon partit à Bordeaux appelée par "Aristide" et y fit un très grand travail.

Au mois d'août, l'arrestation de Grandclément et sa trahison disloquèrent absolument l'O.C.M. Le flottement recommença puis, par Charles Serre et le capitaine Pucheu, le bataillon fut pris par le groupe "Résistance" dont le journal clandestin put parvenir et être distribué régulièrement pendant plusieurs mois.

En dehors du groupement organisé, pas mal d'Arcachonnais firent du renseignement pour des réseaux divers. Ceux-là ne furent connus qu'à la Libération ou par leurs arrestations par la Gestapo comme ce fut le cas pour plusieurs.

 A partir de 1945, les Allemands, toujours, hélas! renseignés par des Français, multiplièrent les arrestations et les déportations. Une quinzaine d'Arcachonnais sont morts dans les camps de concentration d'Allemagne. 

 Le 22 août 1944, Arcachon vécut la plus belle journée de sa courte histoire. Ce fut la Libération. Le bataillon Duchez partit alors à la suite des Allemands, entra à Bordeaux le premier et se rendit au Médoc où il resta jusqu'à la Victoire.

(1) L'abbé Brunet, curé à Margarron (Gironde)
(2)M. Duchez, capitaine de réserve.