La Gironde sous l'occupation.

Groupe L.R
Commandant Rougés.

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Source: Historique des unités combattantes, du général de la Barre de Nanteuil
Fons Calmette A.D. 61J2


Historique succinct Libération de Bordeaux Tableaux nominatifs


Libération de BORDEAUX

Intervention du Commandant ROUGES, alias SEGUR

Compte-rendu


Au préalable, je tiens à préciser que contrairement à ce que certains ont pu supposer, les démarches et conversations qui ont eu lieu et qui sont relatées ci-après ont eu pour témoins, M. BRICAUD, secrétaire Général Adjoint de la Mairie de BORDEAUX, M. CAUSSADE, Chef du Cabinet du Maire, M. -LARROZE, interprète d’allemand, mon Officier d'ordonnance, le Lieutenant CLAUDE. et moi-même.

La pensée qu'il fallait absolument obtenir, sans destruction, la libération s'imposait à moi depuis que j'avais eu connaissance, par des photographies, de l'état abominable dans lequel se trouvaient la Ville et le Port de BOULOGNE-sur-MER ( où ma famille a des propriétés. )

Les Allemands, après leur départ, avaient fait sauter tous les quais, qui, nivelés, s’étaient lamentablement écroulés dans le chenal.

L'impression ressentie me hanta plusieurs jours. Je me demandais avec angoisse comment on pourrait arriver à éviter une pareille catastrophe à la Ville de BORDEAUX.

Ne sachant à qui m'adresser, j'en parlais incidemment à un de mes amis d'enfance, M. CAYREL, ancien Maire du BOUSCAT. Quelques jours après, au cours d'une nouvelle rencontre, il me demanda si aucun de ses amis personnels ne pourrait jouer utilement un rôle dans cette opération.

Peu de jours après, M. CAYREL m'informa qu'il avait rendu compte de nos entretiens et qu’une conférence devait avoir lieu dans un bref délai pour essayer d'atteindre le but désiré.

Je ne crois pas utile de relater les divers entretiens, démarches et consultations qui précédèrent cette conférence et auxquels participèrent MM. BRICAUD, CAUSSADE, CASTANE (Chef du Cabinet du Préfet de la Gironde), LARROZE, LUNG,etc... et auxquels je restais étranger. Toutefois, j'étais constamment tenu au courant de l’évolution de l’affaire.

Cette conférence dite du "GRAND BORDEAUX" eut lieu le 24 août à 11 h 30.

Y participèrent:
M. SABATIER, Préfet Régional,
M. CASTANE , Chef de Cabinet,
M. MARQUET, Maire,
M. BRICAUD, Secrétaire Général de la Ville,
M. BLINTZ, interprète,
Le Lieutenant Général NAKE, commandant la Division,
Le Général Major KNORZER, Feldkommandant,
Le Colonel SEIZ, commandant le Grand BORDEAUX,
Le Colonel MOUSCHEUER, commandant le Grand BORDEAUX,
Le Colonel SCHULTZ, commandant le Grand BORDEAUX,
Le Commandant de Corvette, Haffekommandant,
M. LUNG. Interprète (neveu de M. ESCHENAUER).

Pendant la réunion, j’étais tenu au courant, depuis l’hôpital Pellegrin (où je me trouvais avec M. CAYREL) du déroulement de la conversation où chacun semblait décliner toute responsabilité.

A la fin de la réunion, vers 13 heures, un coup de téléphone m'apprit la c1ôture de la conférence après l’adoption du texte d'une affiche faisant appel à la population. Cet appel qui devait être apposé sur les murs de la Ville le soir-même, était ainsi rédigé:

"En tant que Commandant suprême des troupes allemandes de la région de Bordeaux, je déclare qu’aucune destruction n’aura lieu dans Bordeaux et l’agglomération bordelaise, et que le Port et les Ponts de Bordeaux qui sont minés ne seront pas détruits si la population s’abstient jusqu’après le départ des troupes allemandes de Bordeaux et de l’agglomération bordelaise de tout acte de sabotage.

J’exprimais immédiatement mon vif mécontentement, estimant que cet appel était inadmissible, qu‘il couvrait les véritables et cyniques intentions des Allemands, gagner du temps pour détruire toutes les oeuvres vives du Port tout en préparant leur évasion. Cet appel, en effet, ne comportait ni date, ni délai.

Mes prévisions étaient confirmées le soir même du 24 août, car aucune affiche ne fut apposée en ville. Quand j’en demandais la cause, on me répondit de la Mairie que cette affiche devait être remplacée par un communiqué à la presse du matin.

Le vendredi matin 25 août, rien n'ayant encore été publié ni affiché, ni communiqué à la presse, il était indubitable que la véritable intention des Allemands était: gagner du temps.

Devant une telle situation obscure et si grave, je jugeais indispensable de faire quelque chose pour aider à sauver BORDEAUX du désastre; quoi ? , je n’en savais rien moi-même.

Je me rendis au P.C. de mon groupement qui se tenait tant8t à la mairie de FLOIRAC avec M. VIAS, Secrétaire Général de la Ville, tant8t au Commissariat de Police avec M. MAUGERE, Commissaire suppléant et BEAUCHENE, son agent de police.

Là, d’accord avec le chef de mon commando Pierre SOULE (alias Capitaine PIERROT) , je décidais de préparer pour l’après-midi, une expédition et franchir de jour, en voiture, l'enceinte allemande de Bordeaux.

Je désirais me rendre à SAUVETERRE de GUYENNE où "PIERROT" avait déjà rencontré l'avant veille, le Colonel ADELINE, commandant les éléments de DORDOGNE (colonnes les plus rapprochées de BORDEAUX composés de:

Colonne Dordogne Nord
Colonne entre Dordogne et Garonne (Nord)
Colonne entre Dordogne et Garonne (Sud)
- commandée par Demorny
- commandée par Moresee
- commandée par Druilhe

L'après-midi, en effet, rendez-vous était pris dans la rue située derrière les usines BETS et BLANCHAR à la BENAUGE, chez un de mes hommes, GAILLAC.

Après avoir équipé une voiture Citroën de la B.A. 4 avec 4 mitraillettes (une à chaque portière)" nous partions avec 3 hommes.

Remontant le Cours Gambetta de FLOIRAC, puis empruntant les petits sentiers qui longent la VIEILLE CURE, nous arrivons sur le Plateau d’ARTIGUES où, je savais, la surveillance allemande moins sévère. L'obstacle étant franchi, la route nous était dès lors ouverte.

Vers 17 heures, en cours de route, à quelques kilomètres de SAUVETERRE, nous rencontrons l’avant garde de l’Etat-Major du COLONEL ADELINE chargé du cantonnement des F .F I. qui se déplaçaient de SAUVETERRE pour aller en stationnement à TARGON. Cet avant garde était composé de deux voitures.

Après un échange de quelques mots, ils me prièrent de me joindre à eux pour aller à TARGON afin d’y attendre la colonne qui y arriva vers 18 heures.

A TARGON, le COLONEL ADELINE n'étant pas encore arrivé, je me mettais en rapport avec le Capitaine "Z", son adjoint.

Je lui expliquais le but de ma visite et lui demandais des directives pour le cas échéant, engager des pourparlers immédiats afin d'obtenir la Libération de BORDEAUX.

En attendant le COLONEL ADELINE, nous avons procédé à un long échange de vues avec le Capitaine "Z" et son Lieutenant adjoint.

Plus tard, je repartais avec instruction principale que si des négociations étaient engagées, il fallait "bluffer, bluffer, bluffer ... beaucoup de tanks, beaucoup de F.F.I, beaucoup d'Anglais ,beaucoup d'Américains…"

Nous. quittions aussitôt TARGON et par les mêmes voies détournées, nous rejoignions FLOlRAC.

Le 26 au matin, dès la première heure, je téléphonais à la mairie du BOUSCAT afin de savoir si je pourrais rencontrer M. LUNG (interprète d’allemand auprès de la Kommandantur) M. CASENAVE (Interprète de la Kriegsmarine) ou toute autre personne pouvant me servir de trait d'union avec les Allemands.

En fin de matinée, M. CAYREL me téléphonait pour me demander de me rendre dans une épicerie no 28 rue de Cursol, où M. LARROZE, interprète d’allemand me recevrait.

A l4 heures précises, je rencontrais dans l'arrière salle à manger de l’épicerie, M. LARROZE que je n'avais encore jamais vu.

Ayant expliqué le but de ma visite et les démarches que je me proposais de lui demander, M. LARROZE me tendit un projet de lettre qu’il avait préparée et adressée au chef de la Kommandantur, pour motiver le but de ma démarche.

Je rejetais aussitôt cette lettre sans en prendre connaissance disant que le "moment n'était plus aux écrits mais aux actes".

Je lui demandais alors de vouloir bien essayer de m'introduire le plus tôt possible auprès des autorités allemandes.

Craignant que son introduction ne fut pas suffisamment efficace, il me demanda de l’accompagner chez un professeur dont j’ignore le nom.

L’entretien fut de courte durée.

Devant l’incertitude qui se dégageait de ses paroles après son entrevue avec le professeur, je lui demandais s'il ne connaissait pas des gens plus qualifiés pour me mettre en contact avec l’Etat-Major allemand. Dans la conversation qui suivit, plusieurs noms furent cités. Je relevais ceux de MM. BRICAUD et CAUSSADE de la mairie de BORDEAUX que je connaissais déjà.

Je décidai de me rendre immédiatement à la mairie de BORDEAUX.

Ce fut M. CAUSSADE qui nous reçut le premier. Je lui exprimais mon vif désir d'obtenir coûte que coûte une rencontre avec les autorités allemandes afin de pouvoir arrêter si possible les destructions massives qu’ils opéraient.

Par un coup de téléphone à la Kriegsmarine, nous apprenions que c’était l'Haffenkommandant de la Kriegsmarine qui était désigné pour prendre le commandement du Port et de BORDEAUX, et le cas échéant défendre la ville .

Je demandais aussitôt à MM CAUSSADE et LARROZE de se rendre auprès de cet officier (je me permettrai d'ajouter qu'à ce moment là, cette démarche était dangereuse car tous les F.F.I. étaient considérés comme terroristes).

Je leur demandais d'indiquer aux Allemands la proximité d'une colonne blindée américaine (au nord de LIBOURNE) et la présence d'une demi-division parachutée, ainsi que la force des F.F.I. du Sud-Ouest prêts à passer à l'attaque. Loyalement, je ne leur cachais pas qu'il n'y avait en réalité aucun parachutiste, et aucun américain, mais qu'il fallait bluffer.

MM. CAUSSADE et LARROZE partirent aussi tôt .

J’attendais le résultat de leurs démarches dans le bureau de M. BRICAUD

Une heure après environ, ils étaient de retour, heureux d'avoir accompli une mission délicate.

Ils me firent part qu'ils avaient pu atteindre 1'Haffenkommandant après certaines difficultés, mais que celui-ci étant momentanément très pris, il ne pourrait me recevoir qu'entre 18 heures 30 et 19 heures.

Je m'insurgeais aussitôt disant que je ne pouvais accepter de me rendre chez le Commandant KUHNEMANN car ce n'était pas au vainqueur de se rendre chez le vaincu, mais que c'était l'inverse qui devait se produire. J’expliquais qu'il y avait un point d'honneur sur lequel je ne pouvais transiger, et que c'était le Commandant, et non moi-même, qui devait se déplacer.

M. BRICAUD s'associant à ma façon de voir, nous proposa un rendez-vous sur un terrain neutre.

J’insistais auprès de MM. CAUSSADE et LARROZE pour qu’ils interviennent à nouveau afin d’obtenir une entrevue au Cercle situé 8 cours du XXX juillet, que nous proposait M. BRICAUD.

M. CAUSSADE ayant été retenu, ce fut MM. LARROZE et le Lieutenant CLAUDE qui repartirent aussitôt pour accomplir cette-seconde mission beaucoup plus délicate que la première.

L'attente fut longue, mais néanmoins, ils purent obtenir, non sans diplomatie qu'un rendez-vous fut pris pour 18 heures 30 au 8, cours du XXX juillet dans les locaux du cercle désaffecté.

L’heure venue, du balcon du cercle, j’attendais, non sans appréhension, avec M. BRICAUD, l’arrivée du Commandant KUHNEMANN.

A 18 heures 45 exactement, M. BRICAUD me dit, en me montrant une voiture qui arrivait "voilà KUHNEMANN".

Nous descendions, et sur le seuil de la porte du rez-de-chaussée se firent les présentations.

Nous montions aussitôt, sans échanger une parole, jusque dans la grande salle où nous avions installé une table et six chaises.

Autour de la table, il y avait l’Haffenkommandant KUHNEMANN, MM. LARROZE BRICAUD, le Lieutenant CLAUDE et moi-même.

A peine étais-je assis que j'abordais, non sans une certaine émotion, le fond de la question par ces mots :

Vous n'ignorez pas, Commandant, que de graves évènements doivent se produire dans les heures qui vont suivre, nous devons les éviter, sinon vous allez supporter dans l'histoire une terrible responsabilité et en le désignant du doigt, j’ajoutais "il faut que la ville soit évacuée dans les 24 heures sans aucun dommage, sinon vous, et vous seul, allez être responsable des scènes terribles qui vont se dérouler.

Ces mots avaient porté, car KUHNEMANN posant son coude sur la table et plongeant sa tête dans sa main, il réfléchit quelques instants puis dans un français le plus pur dit, en scandant les mots :

"oui , il faut l’éviter, nous devons faire l’impossible pour y arriver".

Je répondis aussitôt. "Je suis là pour vous seconder, mais il faut que la Ville et les quais restent indemnes, et c'est vous et vous seul, qui pouvez donner les ordres nécessaires.

Il réfléchit quelques instants et d’un ton énergique il déclara:

"Tant pis, ce que je vais vous révéler est très grave, et si le Général était là, il me flanquerait en taule tout de suite".

Un silence poignant suivit quelques instants ces mots, puis, scandant ses paroles, il dit "il me reste encore 5 régiments avec leur artillerie, et une partie de la D.C.A.

Puis, me regardant, il ajouta, "vous ne l’ignorez pas, Commandant". Du tac au tac, je lui répondis "comme vous, Commandant, vous n’ignorez pas l’importance des forces F.F.I. et alliées qui entourent maintenant Bordeaux."

Puis, il continua "Je puis donner des ordres immédiatement pour que le 1er régiment parte à 21 heures, le 2ème à 23 heures, le 3ème à une heure du matin. Il restera, pour la matinée de dimanche, mon 4ème régiment, puis, pour l’après-midi, les quelques bataillons qui restent et les épars. Pendant ce temps, l’artillerie restera sur les hauteurs qui entourent la ville pour protéger l’évacuation, puis, elle suivra".

Me regardant, il ajouta "si vous m’accordez jusqu’à la Dordogne, nous sommes d’accord."

Je répondis aussitôt "vous tenez compte, commandant, du facteur Espace que je ne peux admettre, mais si vous tenez compte avec moi du facteur Temps, nous nous mettrons d’accord. Si, au lieu de vous accorder jusqu’à 19 heures, je vous accordais jusqu’à 24 heures, pourriez-vous accepter?"

Après quelques minutes de réflexion, il dit "Eh bien, j’accepte.".

Je lui demandais alors de me laisser un officier en otage comme garantie de l’opération. Il me répondit "qu’il regrettait, car il craignait pour le retour de cet officier".

Je prenais aussitôt une affiche "appel à la population" qui venait d’être apposée sur les murs de la ville et, au verso, j’écrivais de ma main, qui, je ne le cacherait pas, tremblait.

CONVENTIONS

"toutes les troupes des Armées Allemandes d’occupation devront avoir définitivement quitté la ville de BORDEAUX, le dimanche 27 août à minuit au plus tard."

"la ville, le port, les installations portuaires et les ponts devront rester intacts."

les troupes américaines et alliées ainsi que le maquis ne pourront occuper la ville qu’à partir de l minute, lundi matin 28 août 1944".

Je relisais le texte à haute voix.

A la fin de la lecture, il dit simplement:"J’accepte".
A ce moment prenant mon stylo, je signais: "Commandant ROUGES"
Je lui passais ma plume et il visa: "Haffenkommandant KUHNEMANN".

Je ressentis alors un immense soulagement. Puis, je le remerciais de son acte et j’exprimais le désir que sur l’honneur, les clauses seraient respectées de part et d'autre.

J'indiquais ensuite que j’étais obligé de rejoindre rapidement l'Etat-Major français, et que pour toute sécurité, j'avais besoin d'un laissez-passer jusqu’à CREON, afin surtout que la voiture ne soit pas réquisitionnée.

Il me pria de lui donner quelqu'un pour l'accompagner à ra Kriegsmarine afin de m'établir un sauf-conduit en Allemand ainsi libellé :
"le Commandant du Port de BORDEAUX,
le porteur de la présente est autorisé à effectuer ce soir un voyage aller et retour à CREON avec la voiture française no 9268 GA 8.
ce permis est valable jusqu'au 27 août 1944 à midi. Tous les services allemands sont priés de laisser passer le véhicule en priorité, le voyage étant effectué dans l'intérêt allemand. Nous demandons surtout que cette voiture ne soit pas réquisitionnée, la question nécessitant le voyage ne pouvant être réglée d'une autre manière. Par suite du départ, il nous manque machine à écrire et tampon.

BORDEAUX, le 26 août 1944
signé: KUBNEMANN
Capitaine de Corvette et Commandant du Port

Il ajoute en marge :

"en cas de contestation, prière de se mettre en rapport avec le Stadkommandantur Gross BORDEAUX.

Signé: KUHNEMANN

Munis de ces documents, nous partîmes à la mairie de BORDEAUX pour prendre la voiture que Monsieur BRICAUD mettait à ma disposition.

Surprise! la voiture venait d’être enlevée et réquisitionnée par un capitaine allemand en stationnement à l'Ecole de Santé Navale.

Monsieur LARROZE et le Lieutenant CLAUDE s’y rendirent immédiatement et grâce au laissez-passer que l’Haffenkommandant KUHNEMANN venait de me donner, et après de laborieuses explications, ils purent récupérer la voiture.

C'était 20 heures du soir quand je quittais BORDEAUX, accompagné toujours de mon chef de commando PIERROT, du Lieutenant CLAUDE et de deux hommes armés, pour prendre la direction de TARGON en passant par CREON, afin de dépister le cas échéant toute curiosité et éviter que soient connues la direction exacte et la position de l’Etat-Major du Colonel ADELINE où je devais me rendre.

Arrivé à CREON, je rencontrai le groupe BONNET avec mon capitaine, BONNET fut tellement surpris de la bonne nouvelle de l’évacuation de BORDEAUX que je lui annonçais, qu'il m'embrassa longuement.

A la SAUVE, je rencontrais la colonne ADELINE qui s’était déjà déplacée depuis la veille de TARGON. Le Colonel ADELINE étant parti à l’Etat-Major, je fus reçu par le Capitaine "Z".

Devant l'urgence de ma mission et en l’absence du Colonel ADELINE, je décidais de me rendre, à LANGOIRAN où se trouvait le P.C. du Colonel DRUILHE qui, sous les ordres du Colonel ADELINE commandait la Colonne Sud entre Dordogne et Garonne.

Vers minuit, par une nuit très sombre, j’étais introduit dans un château aux abords de LANGOIRAN. Je demandais aussitôt à être reçu par le Colonel DRIANT qui me reçut immédiatement dans un petit salon attenant au grand hall.

Après avoir longuement expliqué tous les pourparlers, il me félicita en me serrant la main, du résultat obtenu. Il me dit que si les Allemands respectaient leur engagement, lui respecterait les miens. Il me pria de ne pas m'absenter afin de réunir son Etat-Major. Vers 2 heures du matin, le dimanche 28 août, en effet, une réunion eut lieu à la Mairie de LANGOIRAN. Y assistaient le Colonel ADELINE, prévenu par le Capitaine "Z", le Colonel DRUILH et tous les officiers de l' Etat-Major.

Je remettais au Colonel DRUILHE qui était à mes côtés la convention que je venais de signer avec l’HAFFENKOMMANDANT KUHNEMANN. Il fut décidé de surseoir à toute attaque de BORDEAUX avant minuit et l’on me tint responsable si les Allemands ne respectaient pas les conventions.

A 4 heures du matin, je prenais congé de l'Etat-Major et par le même chemin je retournais à BORDEAUX où l'on m’attendait impatiemment.

Pendant ce voyage de retour, ce ne fut qu’une vision infernale, l'horizon était tout en feu, de grands incendies éclairaient le ciel. Par moments, de grosses gerbes de feu s'élevaient très haut dans les airs; un gros roulement sourd, lointain, les accompagnait. Le cœur lourd, je n'avais qu'une crainte: que les Allemands aient fait sauter la moitié de BORDEAUX. Je n'avais qu’une hâte : rentrer.

Quelques heures plus tard, les ordres dictés par le Colonel ADELINE étaient exécutés par tous les groupes et BORDEAUX était libéré sans aucune destruction.

P.S. - le Colonel DRUILEE m’avait promis et fait promettre par le Colonel GUAIX, à différentes reprises, que la convention que j'avais signée avec les Allemands me serait rendue, malheureusement jusqu'à ce jour, je n’ai rien pu obtenir, et n'en ai qu'une copie signée d'ailleurs par ceux qui y participèrent, à l’exception de KUHNEMANN.
J’ajouterai que, tenant absolument que ce document historique ainsi que le laissez-passer signés tous deux par l'Haffenkommandant KUHNEMANN, soient versés aux Archives historiques de la Ville de BORDEAUX je vais so1liciter monsieur le Maire d'intervenir auprès du Général DRUILHE afin que ce document soit restitué à la ville.

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