Retour

LA DEPORTATION DE MON ARRIERE GRAND PERE
Souvenirs recueillis par Marjorie Manciet

Présentation. Le départ Sachsenhausen Le Travail L'avance russe Le retour

Le 18 Avril, nous fumes amenés en camion à la gare de Bordeaux Saint-Jean et là, embarqués dans des wagons à bestiaux et fermés à double tour et en route pour Compiègne. Nous étions fourbus quand nous sommes arrivés au camp. Ils nous donnèrent une soupe de rutabagas et il nous fut possible de dormir 2 à 3 heures. L'après-midi, ce fut l'appel et chacun reçut un numéro ( le mien, 13.064) ensuite logé dans un petit bâtiment appelé le petit Casino. A partir de ce moment là, commença une vie d'angoisse, 1°) pour la nourriture nous crevions presque de faim et 2°) nous nous attendions toujours à ce que l'on vienne nous chercher pour quelque fusillade. Une nuit, quelques camarades cherchèrent à s'évader, mais ils furent surpris dans les barbelés et abattus à bouts portants. Quelques uns implorèrent leurs bourreaux, jusqu'à appeler leur mère, mais ils n'eurent pas pitié et ils les tuèrent tous. Ce sont des crimes qui ne se pardonnent pas et hélas, ce ne furent pas les seuls. Nous avons vécu cette vie jusqu'au 28 Avril et ce jour-là, nouveau départ vers l'inconnu. On nous groupa tous et on nous donna à chacun un paquet de la Croix-Rouge; ensuite, on nous embarqua dans des wagons à bestiaux où nous étions au moins 70 à 80 par wagon.

Une tinette pour tout le wagon et comme nourriture, une boule de pain et du saucisson. Rien pour boire. Nous avons voyagé un jour et une nuit sans arrêt et sommes arrivés dans une gare appelée ALTONA où il nous fut possible de boire. Après un arrêt de cinq minutes, nous sommes remontés dans les wagons à coups de crosses et de pieds et le voyage continua. Il y eut beaucoup d'évasions et des camarades sautaient des wagons qui roulaient au moins à 60 à l'heure. Beaucoup, malheureusement se sont tués, soit en tombant sur le ballast soit sous les balles des mitrailleuses. Voyant cela, les gardiens nous font déchausser et nous sommes restés pieds nus dans les wagons. Enfin, on nous avertit que si les évasions continuaient, nous serions tous fusillés.