C'est de ces milliers de camarades dont je voudrais maintenant vous parler. Les chefs de la Résistance, du moins ceux qui ont survécu, sont connus, catalogués, généralement honorés. Mais tous les autres resteront pour la plupart anonymes, encore que de nombreux monuments, édifiés en province par des associations de résistants, aient permis l'inscription dans le marbre ou la pierre de beaucoup de leurs noms (…)

Or, les plus humbles couraient autant de risques que leurs chefs; ils avaient droit comme eux à la mort ou à la déportation. Ils étaient seulement privés de la gloire.

Pourtant, sans eux rien n'eut été possible, sans eux il n'y aurait pas eu de résistance française et le général Einsenhower n'aurait pu remercier celle-ci pour le rôle qu'elle a joué dans la Libération de la France.

A nous, qui avons assez d'autorité pour parler, leur présence ou leur disparition nous imposent des devoirs.

Nous n'avons pas le droit de les laisser insulter par les faux historiens qui nient leurs souffrances alors qu'ils n'auraient pas eu le courage de les éprouver eux-mêmes.

Nous n'avons pas le droit de laisser salir nos morts et nier leur martyre. Nous n'avons pas le droit de renoncer à l'idéal de liberté et de patriotisme qui fut le leur dès 1940. Le choix qu'ils ont fait doit rester le nôtre dans toutes les épreuves que devra subir la nation. Il est un symbole d'unité et d'amour.

Enfin, nous devons témoigner pour que nos petits-enfants et arrières-petits-enfants n'oublient pas que leurs aînés se sont sacrifiés pour eux, pour qu'ils n'écoutent pas les calomniateurs de la Résistance dont nous savons bien que l'objectif suprême est de jeter un voile sur leur propre lâcheté. Mes compagnons, mes camarades, vous avez le droit d'être fiers de votre passé: vous avez sauvé l'honneur de la France.