Biographie.
Résistants honorés.



Père Dieuzayde Le réseau
Jade-Amicol.

Cahier de la Résistance n°15
Foi et engagement. Le père Antoine Dieuzayde de Eric Petetin. Joseph Sarthoulet, Témoignage chrétien

Un homme extraordinaire, passionné de liberté.

"Être libre, quelle splendeur dans ces deux mots!
Quelle puissance d'action ils renferment!"

Pendant près de quarante ans, ce père jésuite, doué d'une âme d'enfant mais aussi d'une volonté de fer, et qui fuyait les chemins battus, s'est voulu, à Bordeaux, un magnifique éveilleur des intelligences et des causes au service de la justice.

Ils furent nombreux, ceux et celles qui nouèrent autour de lui les liens immortels de luttes communes animées par le même amour du peuple.

La Résistance, dès juin 1940, la Résistance de tous les instants, le trouvait au premier rang, entouré d'une équipe nombreuse engagée avec enthousiasme dans le plus dur des combats.

"Nous ne refusons pas que notre France souffre, écrivait-il, mais ce que nous n'acceptons pas pour elle, ce serait de ne plus vivre, de mourir...".

La meilleur illustration du primat des considérations idéologiques dans l'engagement du Père repose sur le fait que beaucoup des amis, des disciples du père, se sont également engagés dans la Résistance. Le témoignage de plusieurs d'entre eux montre, d'ailleurs, que les motivations profondes de leur engagement prennent leur source dans un esprit chrétien, insufflé par le père Dieuzayde. Si bien que naturellement, ils ont refusé la domination nazie, alors que tout leur milieu, culturel, social et religieux les poussait à accepter et à soutenir le régime de Vichy.

A cela s'ajoute, pour certains, une exigence spirituelle chrétienne qui, elle aussi, prend sa source à Barèges.

Monsieur Lefort, qui s'engage dans la Résistance en 1943, parle de l'influence très importante et très originale du père sur sa propre personne. S'engageant dans des réunions, des cercles d'études, des homélies, le père fait naître des convictions profondes qui engagent toute la vie.

Options idéologiques qui n'ont rien à voir avec un choix patriotique ou militaire.

C'est aussi l'opinion de madame Bouteloup qui, ancienne Barégeoise, rejoint la Résistance à la fin de 1941. Pour elle, il n'est pas question de haïr l'Allemand; elle n'a trouvé dans l'Evangile aucune notion d'honneur ou de patrie et aucune raison de risquer sa vie pour ces entités. Par contre, "l'esprit de Barèges" motivera sa décision par ses raisons idéologiques et humaines; connaissance des dangers de la philosophie nazie, connaissances des atrocités allemandes envers les juifs et les déportés. Entrer dans la Résistance c'est lutter contre ce Mal.

Le père Dieuzayde est, ainsi, à l'origine d'un courant chrétien de résistance, dont il est absolument impossible de cerner l'importance exacte, mais qui a joué un rôle non négligeable dans la lutte contre le nazisme.

Ce foyer chrétien de résistance prend sa source à Barèges. La plupart des résistants chrétiens, amis du père Dieuzayde, sont d'anciens Barégeois. Ils ont, donc, connu et vécu "l'esprit de liberté du plateau du Lienz, ils ont été sensibilisés aux dangers du positivisme par le père Dieuzayde, ils ont été avertis des menaces hitlériennes par le groupe Gunther et ils ont, surtout, expérimenté une façon de vivre fondée sur l'accueil de l'autre, sur la liberté, sur la création et sur l'amour, qui est aux antipodes mêmes de l'idéologie nazie. Il est bien évident que les participants du camp ne pouvaient pas ne pas détester l'autoritarisme, le racisme, la guerre et la discipline hiérarchique. Les expériences vécues sur le plateau les ont naturellement amenés à combattre le nazi.

Le père habitait rue du Pont-de-la-Mousque, au foyer Henri Bazire qu'il avait fondé. Il est souhaitable que la ville de Bordeaux témoigne en ce coin de la cité de l'histoire du père Dieuzayde.

Déjà, dans cette maison, dès juin 1937, avec l'aide de l'assureur Raymond Dupouy, avait été organisé l'accueil aux victimes basques de Durango et de Guernica.

La résistance du père Dieuzayde rejoignait celle du père Louis de Jabrun, mort en déportation, et dont une rue porte le nom, celle du père Chaillet et du bordelais André Mandouze, fondateur du clandestin "Témoignage chrétien".

Combien de noms faudrait-il citer de ceux qui se sacrifièrent aux appels du père "Qui prenait l'Evangile au sérieux car pour lui, tout dans l'Evangile obligeait"; oui, combien de héros, de Raymond Dupouy à Henri Rodel, en passant par ceux de la Ferme de Richemont. Tout spécialement, avec le "colonel Olivier", c'est le réseau Jade-Amicol qui centre son action au foyer Henri Bazire, 64, rue Saint-Rémi, et à Barèges, autour du père Dieuzayde et de son équipe.

Mais, dès 1942, la gestapo rôde. Le danger se précise. Alors le père se cache, voyage. Son refuge, quand il passe à Bordeaux, lui est courageusement offert au Bouscat par le résistant Gustave Souillac. Et c'est là que la Libération est saluée par tout le groupe de résistance spirituelle. Un jésuite de légende "lâché" par ses supérieurs, presque un chien perdu. Tel fut cet apôtre, ce combattant, ce patriote, le père Dieuzayde qui honore Bordeaux et la Résistance.