René LECHNER

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en partance sur Buchenwald. Le cours du voyage, pour nous, s’est mal passé… parce que deux gars ont essayé de s’évader du train. Vous savez… les wagons à bestiaux ont des petites lucarnes pour aérer les bêtes que l’on mettait à l’intérieur et deux gars ont réussi à forcer une de ces lucarnes et de partir. On a entendu des coups de feu.

Résultat de la manœuvre, c’est qu’au premier arrêt la lucarne a été complètement bouchée, clouée avec planches et qu’on n’a plus ouvert la porte jusqu’à l’arrivée à Buchenwald. On est arrivé, là-bas, le 10. Le temps du voyage… cinq jours. Le 10 au matin, on est arrivés à Buchenwald. Ni nourriture, ni eau, rien… On était… on était pas nombreux. Certains wagons étaient à 120. On était à 90 seulement… dont un garçon qui était blessé; il avait les deux jambes dans le plâtre. Je crois qu’il était de Lons-le-Saunier ou de... je sais qu’il était du Jura.

On est donc arrivés à Buchenwald. Buchenwald aller sur la place d’appel. Déshabillage. Rasage. On est donc passé à l’immatriculation.

Nous ne savions pas ce qui nous attendait en ces lieux. On ne savait pas. On ne savait absolument pas où l’on allait. Si on allait être mis dans des camps de prisonniers… dans des camps de… on est arrivé dans ce camp immense… de nombreux réseaux de barbelés… je crois même qu’il y avait… vu de l’intérieur du camp, un immense réseau de barbelés… avec des lampadaires disséminés tout autour. Ensuite des réseaux de barbelés beaucoup plus petits, des champs de mines, ensuite des réseaux de barbelés électrifiés. Donc, pour sortir…

De ma connaissance à moi, j’ai connu une personne qui s’est évadée mais pas du camp même. Il était dans le camp et c’est en sortant faire des travaux qu’il a réussi à s’évader le pauvre malheureux, il n’a pas eu de chance puisqu’il a été repris et il a été ramené au camp, dans le baraquement. C’est un des rares cas que j’ai connu personnellement. Les autres… il y a eu d’autres évadés…

De là, on a été transféré, donc immatriculé. J’ai le 85126 et mon père le 85128. Entre nous il y a eu une autre personne qui n’avait rien à voir, que je ne connais pas… parce qu’on a fait des recherches… on ne sait pas qui c’est, il n’était pas de notre groupe…  pourquoi est-il entre nous deux ? On ne sait pas.

On a donc été transféré vers ce que l’on appelait le « petit camp ». le « petit camp » c’était… comment vais-je vous dire cela ? Des rayonnages avec trois étages l’un sur l’autre où l’on était empilés les uns sur les autres pour se coucher. Mais, on a eu de la chance, parce que normalement c’était une quarantaine, à l’époque, qui devait durer quarante jours et nous, je crois, qu’on est resté une huitaine de jours, à peu près.

On montait au « grand camp ». De là, mon père, et toute une bande également, a été transférés sur le camp de Langestein. Langestein qui était une ville… Monsieur Leroyer, qui a été prisonnier dans ce camp, a fait des tas d’écrits sur ce camp qui, donc, connaît beaucoup plus de choses que moi. Moi, j’ai été malade. J’ai été mis à l’infirmerie, ce que l’on appelle le « revier ». Je suis resté deux ou trois jours là. Quand je suis sorti, on m’a affecté à la sablière, carrière de pierre, donc, le matin, j’allais au travail. La carrière de pierre, pour nous consistait… il y avait des ouvriers qui sortaient des rochers de la carrière. Nous, on transportait ce rocher dans une espèce de concasseur. C’était à celui… il ne fallait pas se faire prendre. Alors on essayait de transporter les moins lourds… les pavés les moins lourds. Et, dans mon malheur, je peux dire que… il y a  toujours des côtés « chance » dans le malheur… je peux dire que je me suis écroulé de faiblesse. On m’a donc transporté dans une baraque qu’il y avait là, où il y avait des tailleurs de pierres qui faisaient des monuments funéraires. Une baraque… Pour expliquer un peu la carrière, c’était au fond d’un ravin, si l’on peut dire… Çà rappellerait, en plus petit, ce fameux camp où des gens marchaient et descendaient dans une carrière. Je ne sais plus… depuis le temps… çà m’échappe… j’ai des camarades qui ont été là-bas… je crois que c’était en Tchécoslovaquie… Çà rappelle un peu çà, mais en plus petit, parce

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