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ENTRETIEN AVEC GUY CHATAIGNE

LE 19 NOVEMBRE 1999 à MERIGNAC à 14 heures 30

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«Je me nomme Guy Chataigné. J'aurais bientôt 76 ans puisque je suis né le 18 janvier 1924 en Charente Maritime, dans un petit village de la Haute Saintonge, dans l'arrondissement de Jonzac où mon père se trouvait instituteur. Je suis le troisième d'une famille de trois enfants. J'avais une sœur qui est née en 1914, au début de la grande Guerre Mondiale, un frère qui est né durant la guerre en 1917 et je suis, moi, un enfant de l' après-guerre.

Mon père était un de ces enseignants formés à la rude école de la République, il aimait se situer parmi les hussards noirs de la République. C'était un laïc convaincu avec sûrement quelques aspects anti-religieux qu'il savait mal dissimuler, un homme d'une extrême rigueur... une totale probité et auquel je dois beaucoup quant à ma formation d'enfant: aussi bien en tant que maître d'école que père, dans ma formation d'adolescent et de citoyen. Cela veut dire que la route était déjà tracée pour les événements qui allaient survenir. Or, l'entre- deux-guerres, telle que j'ai commencé d'en prendre conscience, à l'âge de 6 ou 7 ans, c'est à dire dans le début des années 1930, n'a jamais été une période calme, elle a au contraire rapidement été fertile en événements inquiétants et annonciateurs d'une nouvelle tourmente.

C'est ainsi que j'ai eu rapidement connaissance de l'établissement d'un Etat fasciste avec Mussolini, puis en 1933 de l'avènement de Hitler, de la nature de sa politique: expansionniste, revancharde, raciste, inquiétante en tout cas. J'avais déjà 12 ans, donc pleinement conscience de ces choses en 1936 lorsque la guerre d'Espagne s' est déclarée. La guerre d'Espagne, c'était, pour qui voulait bien jeter un oeil attentif à cette situation internationale, un prélude à une seconde Guerre Mondiale qu'on commençait déjà à redouter puisque c'était l'affrontement d'une part de la République espagnole aidée par de nombreux hommes de différents pays de démocratie qui ont combattu à ses côtés dans les Brigades internationales et d'autre part les forces nationalistes de Franco qui ont obtenu très rapidement le secours des forces hitlériennes et mussoliniennes. Les camps étaient clairement classés. Cette tragédie a duré près de trois ans et c'est durant cette guerre d'Espagne que mon père a accueilli chez nous le fils d'un instituteur espagnol républicain de la région de Madrid, un garçon de mon âge qui avait déjà vu les épreuves de son pays, qui avait une claire vision des enjeux en gros dans son pays mais aussi pour l'Europe, qui avait une maturité exceptionnelle et donc une analyse très aiguë que beaucoup d'adultes n'avaient pas sur ces événements. Cela a donc participé à mon mûrissement. Il nous a quittés en 1938. Déjà, ses prévisions se réalisaient puisque le danger était à nos portes. C'est à l'automne 1938 que les accords de Munich ont été signés qui, aux yeux de tout homme sensé, ne pouvaient pas être considérés comme autre chose qu'une capitulation, un recul sans honneur des démocraties devant les exigences hitlériennes. C' est tellement vrai que, dans les semaines qui ont suivi, Hitler qui avait déjà annexé l' Autriche et les Sudètes, la région de population majoritairement allemande de Tchécoslovaquie, profita de l'indéniable avantage qui lui fut accordé à Munich pour occuper l'ensemble de la Tchécoslovaquie. Personne et en tout cas pas Daladier, qui fut le signataire de ces accords pour la France, Président du Conseil, ne doutait de l'inéluctabilité de cette guerre. [silence]


Le chant des marais