André Castets

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ENTRETIEN AVEC ANDRE CASTETS.
le 16 novembre 1999
à Saint-Médard en Jalles
Mémoire de Stéphanie Vignaud

Au cours du bombardement, nous n'avons pu apercevoir les avions qui bombardaient. J'ai pas mal de bouquins sur les avions et j'ai pu retrouver les types d'avion que nous avons aperçu.. Mais, je ne me souviens plus du type exact. Mais je suis sûr qu'il ne s'agissait pas d'avions américains, mais peut être des anglo-canadiens. Ils ont bombardé avec des bombes de 100 livres, je peux l'affirmer parce que j'ai vu un trou comme ça [il montre la dimension]. En élévation, on avait , des châlits et la zone démolie [il dessine]. Tout ça, c'était resté, ça n'a détruit qu'un quart, un tiers de la zone dans ces proportions, vous voyez.

On peut dire que le regroupement des verts dans le block dortoir qui a été bombardé a eu pour conséquence d'éliminer tous les triangles verts qui nous faisaient "chier". C'était des droits communs, des mecs qui avaient tué leur mère et tout ça, là… .Là, tout le block où ils étaient, où ils habitaient, où ils couchaient : nettoyé! Alors, remarquez, après le bombardement, il en restait quelques-uns uns encore mais je ne sais pas... Les restes de quelques rescapés. En principe. il devait y avoir, en principe... 300 «grosso modo». c'est ça. Alors, les Français qui sont morts, parce qu'on avait les chiffres nous par le secrétariat général dans l'usine, le secrétariat général pour tous les déportés. Vous aviez des secrétaires déportés là qui avaient des qualités pour... bilingue, etc. Nous, on avait, mais un petit comité, pas les communistes, etc. On avait un «gus» qui était bilingue, un étudiant belge qui s'appelait François, mais le nom de famille, je ne m'en souviens plus. C'était lui qui rapportait les chiffres après les appels. Parce qu'il y avait deux appels par jour : un le matin et un le soir. Donc, après l'appel qui a été fait le soir ou le lendemain, je ne m'en souviens plus, ce qu'il avait pu communiquer, ça faisait 370. Alors, moi, je ne peux pas certifier. Je ne suis pas d'accord. Je sais que ça ne fait pas 700. Mais qu'est-ce que vous voulez que je fasse maintenant ? 55 ans après.

Après ça, tous les halls ont été atteints ou en partie détruits. La fabrication du Heinkel 177, je ne sais pas si je vous l' ai dit, le Heinkel 177 qui était un quadrimoteur mais avec deux hélices seulement, c'est-à-dire que vous aviez deux moteurs comme ça [il dessine] avec deux hélices. Je vous fais un dessin... C'était un bombardier à missions multiples, un moyen bombardier. C'était pas un très gros mais c'était un bombardier. Combien pouvait-il porter de bombes ? Je ne sais pas. Peut-être, il pouvait porter trois tonnes. Je ne sais pas. Mais il doit y avoir des explications sur des bouquins. Ca, je ne vous donnerais pas les détails maintenant. Enfin voilà. Et donc ça, ça a été arrêté, surtout le hall où je travaillais moi, le hall 8. Plus rien! «nada» ! Rien du tout! Ensuite, les halls avant: le 7, le 6, il y avait encore des verrières, enfin des toitures tout ça: après, je ne sais plus, je ne peux pas vous dire les détails.

Il y a peut être quelqu'un qui peut s'en rappeler. Moi, je ne peux pas vous dire. Et donc, après ça, on a «tournicoté» de tous les bords et on nous a gardé quand... parce que... Bon après, j' ai travaillé au hall 2 à récupérer des pièces rebutées de Heinkel 177 pour les récupérer si vous voulez, à «foutre» un coup de lime et fin bon tout ça... En réalité, la fabrication a été abandonnée. Un jour, je ne sais plus quand, je crois que c'est en... début 1944, non après je ne sais plus, je pense que c'est dans le cours de l'hiver 1944-1945. Ensuite, on a reçu des chasseurs, Focke Wulf 190 qui étaient des chasseurs tout électrique. Il n'y avait pas un gramme d’hydraulique dessus, tout électrique: trains d'atterrissage électrique, commandes électriques, tout. Et là, moi je faisais, avec un civil «au cu1» hein, tout seul, je n'aurais pas fait grand chose [rires], on faisait le réglage des empennages, si vous voulez, je ne sais pas si, vous voyez: sur un avion, vous avez une partie pour la profondeur et une partie empennage pour la direction. Il y avait une partie fixe et une partie mobile. Alors moi, je mettais un gabarit sur les deux... que ce soit le gouvernail de profondeur ou le gouvernail de direction, on mettait, on fixait un gabarit comme ça [il dessine], on bloquait en ligne comme ça le truc. On rentrait dans la carlingue, il y avait un trou d'homme et puis, on réglait les petits ridoirs si vous voulez, des tendeurs. Voilà. Alors, le sabotage que je faisais moi, c'est que je mettais une lampe, je rentrais là-dedans et je restais deux heures, trois heures sans rien faire. Et le civil, venait de temps en temps, mais lui, c'est parce qu'il ne faisait pas très chaud, il venait de temps en temps.

«Es ist Fertig?» «Ja, Ja!».
«Tu as fini ?» «.Ja, Ja
!» [rires].

Vous savez, vous savez, je lui avais «baisé» deux heures, un truc comme ça. Ce sont mes petites anecdotes mais qui font partie de ce qu'on pouvait faire. Après, bon ben, ces Focke Wulf 190 sur la fin il y avait un camp d'aviation qui n'était pas très loin parce que tous les matins, on voyait des Focke Wulf décoller, en en voyait une douzaine, puis après plus que 7 ou 8, et après 3 ou 4 en dernier, quand, en début 1945... Enfin, non mars-avril 1945 peut être et donc, ils partaient au combat mais ils se faisaient descendre parce que comme les russes n'étaient pas loin, il devait y avoir des chasseurs russes. Parce que je ne pense pas que c'était des chasseurs américains ou anglais qui faisaient tout le trajet parce qu'il n'y avait pas des KC135 qui ravitaillaient comme maintenant. Je ne sais si vous avez quelques notions sur comment ça se passe un vol à longue distance avec des appareils qui n'ont pas une autonomie très grande: ils ont un moyen de se ravitailler en vol. Vous savez peut être… A l'époque, il n'y en avait pas. ils se battaient, ils se bagarraient avec les «ruskofs» , ils devaient avoir. ..ils devaient se battre les autres avec des Yack ou autres. Bon, moi je vous parle de ça mais... Parce que moi, j'ai vu des combats mais c'était les derniers combats. J'ai vu des combats moi, je n'étais pas tout seul, les gens qui étaient encore avec moi à Heinkel. On a vu les premiers Messerschmit 262, c'était un des premiers avions à réaction. lis les ont utilisés les allemands en dernier, ils étaient prêts, hein! contre des avions à hélice. Alors, on recevait les douilles sur la «gueule» dans le Kommando. Alors, il yen avait, il fallait se mettre une planche sur la tête pour ne pas prendre les douilles! Et puis même les planches, parce que comme ils passaient au-dessus aussi quand il y avait aussi les... comment ça s'appelle, les bombardements avec les forteresses, ils passaient au-dessus et il y avait des éclats de DCA allemands, la flach allemande, alors là, il y avait des éclats de DCA qui retombaient. Alors, ceux qui pouvaient, ceux qui trouvaient un bout de planche, ils se mettaient sur la tête comme ça [il mime le geste ] pour ne pas. ..[ rires] .Alors, attention! c'était comme ça! Bon, ben, ça a fini que les «ruskofs» sont arrivés, il a fallu décamper quoi. On est parti mais ça vous devez l'avoir parce que je pense que Ducos faisait partie des gens qui sont partis. On vous a parlé de la «route de la mort ?