Chronique.
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La Milice à Bordeaux
La collaboration en uniforme.
Terrisse
Pierre.
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Résistance Unie n° 43 - Mars 1998

Renné Terrisse: La Milice à Bordeaux. La collaboration en uniforme. Bordeaux, Aubéron, 1997, 236 p:135f

Après "Bordeaux 1940-1944" (Ed. Perrin) et "Grandclément traître ou bouc-émissaire?" (Ed Aubéron), notre ami René Terrisse nous apporte, avec ce nouveau livre, une contribution de plus à l'histoire de notre région dans ces années terribles.

Rappelons que René Terrisse est fils de déporté mort dans les camps. Par passion et par piété familiale, il s'est lancé dans une étude approfondie de la période 1940-1945 dans notre région, accumulant depuis trente ans une impressionnante documentation. On peut être d'accord aou pas avec certaines de ses interprétations: on ne peut mettree en cause son objectivité et la sûreté de sa documentation. Ses qualités de clarté, de rigueur, se retrouvent dans ce nouvel ouvrage.

Une première partie nous rappelle l'origine de la Milice: issue de la "Légion des Combattants" (jugée trop "molle") et plus précisément de son "service d'ordre légionnaire" (S.O.L..) qui regroupait déjà l'avant-garde de la collaboration, la Milice fut créée en zone sud en janvier 1943 pour y fournir une phalange activiste, bientôt bras armé de la collaboration. Le ciment idéologique qui permit de conduire des hommes dont certains se réclamaient d'un idéal "national" à se mettre au service de l'ennemi (un ennemi qui était aussi l'occupant!) fut l'anticommunisme. Notons que c'est au nom de ce même anticommunisme que Granclément, arrêté, fit alliance avec la Gestapo, pour contrer de problématiques "maquis rouges".

Les Allemands n'autorisèrent que tardivement, en janvier 1944, la Milice à exercer son activité en zone nord. Dans cette zone, ils s'appuyaient depuis 1940 sur une pléiade de "partis" et de groupuscules (P.P.F, R.N.P, Partis Francistes, etc...). Auparavant, ils avaient engagés ceux qui voulaient se faire leurs auxiliaires armés à s'engager dans la L.V.F (Légion des Volontaires Français contre le Bolchevisme) - pour combattre sur le front de l'Est ou mieux, dans des unités de Waffen-SS français. C'est ainsi que dans notre département, une unité de Waffen-SS fut implantée à Castillon, en zone nord, sur la ligne de démarcation (unité qui s'"illustra" dans l'aassinat de l'instituteur d'Eynesse Raoul Dumora et dans le massacre des gendarmes de la brigade de Sainte-Foy-la-Grande) pour obtenir l'armement de la milice et son implantation dans la zone nord, Darnand, chef et fondateur de la milice, se fit admettre dans la Waffen-SS où il reçut le grade de "Sturmbannfûhrer" (équivalent à celui de chef de bataillon) et prêta serment personnel de fidélité à Adolf Hitler. Ce n'est guère avant mars 1944 que la Milice fut en mesure d'exercer son activité à Bordeaux. Elle n'y aura jamais que des effectifs réduits: il ne semble pas qu'ils aient beaucoup dépassé ceux de Sainte-Foy-la-Grande (Gironde, mais en zone sud, partie alors rattachée à la Dordogne). A côté de fanatiques du Maréchal, que leur confiance aveugle conduira à la pire collaboration, nous retrouvons à la Milice des collaborateurs déjà chevronnés comme Lucien Dehan, de sinistre mémoire (déjà de longue date au service de l'Abwehr), des collaborateurs "idéologiques" qu'un anticommunisme farouche conduit à accepter de se mettre au service des nazis, et aussi quelques opportunistes ou malfrats, voyant dans l'adhésion à la milice un moyen de se soustraire au S.T.O ou de se faire de l'argent facile.

Malgré son implantation tardive, la Milice à Bordeaux ne dérogera pas à la sinistre réputation qu'elle avait déjà acquise: arrestations et séquestrations arbitraires, trafic, extorsions de fonds et pillage..

Elle se fit l'auxiliaire de l'armée allemande dans des opérations contre les maquis, notamment dans la tragique affaire de Saucats (Ferme de Richemont). Et aussi, lors de sa retraite en compagnie des Allemands (à Poitiers, au château du Porteau, où elle se rendit coupable de meurtres précédés de tortures particulièrement horribles).

La répression, comme ailleurs, fut inégale. Il y eut des condamnations à mort suivies d'exécution, pour ceux qui se firent prendre à la libération (comme le chef régional Robert Franc, resté à Bordeaux pour se mettre à la disposition des nouvelles autorités!) ou pour ceux dont les crimes étaient particulièrement nombreux et abjects comme Dehan; d'autres ayant réussi à échapper à la justice dans l'immédiat, bénéficieront de peines moins lourdes, vite abrégées.

Jean Suret-Canal.