La Résistance en Gironde.

Vigne-Oudide.

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Le massacre du village de Liard et du maquis de Vigne-Oudide, professeur E. Chapellan

Je voudrais retracer l'amour patriotique qui animait ces hommes, ces Français qu'on a qualifiés de terroristes et à qui nous devons une grande part de notre libération.

Je voudrais que vous eussiez parlé avec ces héros, qui avaient adopté la devise:

"Dieu là-haut, espoir ici-bas."
qui, le 6 juin 1944, au matin, formaient les premiers éléments de la résistance médocaine.

Ils n'étaient pas là pour des buts politiques ainsi que certains ont pu le penser; non, ils n'avaient qu'un idéal, un seul idéal, celui des Français: libérer notre cité de la botte germanique..

Le maquis du Médoc prit naissance au Haut-Garnau. Sa principale activité, dès sa formation, fut de soustraire aux Allemands tous les hommes qui étaient appelés pour l'Allemagne. Puis, se produisit la chute d'une forteresse américaine.

La population recueillit tout l'équipage pour, ensuite, remettre ces hommes au maquis.

Dès lors, ce fut presque un cortège ininterrompu pour venir voir les soldats américains, parmi lesquels il y avait un blessé ce qui amena le dépistage du maquis. Il y a lieu aussi d'ajouter qu'il s'y est trouvé certainement un traître.

Dans ce maquis, il y avait eu un traître "Jean Hemer" qui fut dépisté juste à temps et aussitôt exécuté.

Et ce fut le premier repli de nos soldats sans uniforme, dans une ferme située sur les bords de la route Pauillac-Hourtin, pour ensuite se fixer, d'une façon définitive, à Lagunan, au lieu-dit Vigne-Oudide.

Là, sous la direction du commandant "Charly", une véritable armée française s'organisa. Plusieurs missions furent accomplies par nos F.F.I. L'une d'entre elles fut malheureuse: celle du dimanche 23 juillet 1944, où le soldat F.F.I Blanc était mortellement blessé et devait mourir, sans aucun soin de longues heures plus tard en pleine place d'Hourtin.

Les Allemands avaient interdit toute intervention médicale. Il me semble toujours entendre sa voix demandant à boire, en même temps qu'il faisait ses adieux à sa mère, à son père et à sa fiancée.

Ensuite, sur dénonciation des traîtres, est venu le jour de la grande attaque.

A cette date inoubliable: 25 juillet 1944, environ cinq mille Allemands attaquent cent hommes dont à peu près la moitié est armée, et encore pas tous, avec des armes modernes.

La lutte est inégale, les Allemands attaquent à quatre heures dix, capturent les sentinelles, qui ne peuvent donner l'alerte. De ce fait, les Allemands bénéficient de la surprise; la lutte dure jusqu'à dix heures.

Jean Dufour et quelques autres n'hésitèrent à se sacrifier pour soutenir la retraite de ceux qui n'avaient pas d'armes et de ceux, il faut l'avouer, qui étaient encore trop jeunes pour combattre.

Jean Dufour devait, à lui seul, abattre 27 Allemands; on trouva à côté de lui un tas de douilles d'une hauteur de quinze centimètres. Les munitions épuisées Dufour se donna la mort avec son pistolet.

Malgré leur héroïque résistance, tous, les uns après les autres, devaient abandonner la lutte, les munitions étant épuisées et les pertes assez élevées: 36 morts.

Les Allemands, de leur côté, en comptaient 187, chiffre qui m'a été confirmé par un prisonnier fait à Soulac et qui était chauffeur sanitaire.

Dans la lutte, les Allemands avaient fait des prisonniers et, contrairement aux lois internationales, ces prisonniers furent torturés, massacrés avec la plus grande sauvagerie possible.

Tous les prisonniers, excepté ceux qui ont été tués au lieu-dit "les Mouniers", furent amenés au chateau Nodris où se trouvait le haut commandement allemand, celui qui dirigeait les opérations, et qui, le lendemain, fit sauter le chateau.

Les prisonniers, les mains attachés derrière le dos, pieds liés, furent placés contre un mur, face à un soleil torride du mois de juillet. Là, jusqu'au soir 18 heures, ils furent frappés à coups de pieds, coups de poings et coups de crosse de fusil.

Le soir venu, ils furent ligotés deux ou trois ensemble, et puis les bourreaux se livrèrent au grand travail: certains eurent les yeux arrachés; d'autres, le visage brûlé et certains autres reçurent des coups de baïonnettes dans la figure.

Lorsqu'ils furent bientôt morts, les bourreaux, les fanatiques d'Hitler, les achevèrent à coups de pistolet.

Vous qui me lisez, vous êtes certainement portés à croire que j'exagère. Je vous en serai indulgent, car il faut vraiment avoir vécu ces horreurs, comme je les ai vécues moi-même pour y croire.

Ces massacres dépassent en horreur tout ce que notre imagination peut concevoir.

Sans aucun commentaire, je vous donne la copie des dépositions faites par les témoins. Ces pièces m'ont été fournies par la gendarmerie de Lesparre.

Témoignages.

Normandin René, François, cultivateur, demeurant à Lagune-Salle, Saint-Germain d'Esteuil (Gironde).

Cahier André, demeurant à Lagune-Salle, Saint-Germain d'Esteuil (Gironde).

Dupuy Jean, Emile, cultivateur, demeurant à Saint-Gaux, Saint-Germain d'Esteuil (Gironde).

Le 25 juillet 1944, vers 6 heures 30, un groupe de soldats allemands est arrivé chez moi. L'un d'eux, un sous-officier m'a interrogé; il m'a demandé si j'étais du maquis. Je lui ai répondu négativement; il m'a dit: "Vous logez des maquisards". Effectivement, parmi les quatre personnes qui se trouvaient avec moi, l'une d'elles, le jeune Desblaches Camille, en faisait partie; il venait de se réfugier chez moi.

Pour me faire avouer que tous ceux qui étaient chez moi étaient du maquis, ce sous-officier a commencé à me frapper avec la crosse de son revolver et cela pendant plus d'un quart d'heure. Il m'a roué de coups, sur la tête en particulier.

Après m'avoir assommé, il m'a mis avec d'autres. Cela fait, les autres personnes étaient renvoyées, exception faite du jeune Desblaches, qu'ils ont retenu comme prisonnier, car ce pauvre garçon a eu le malheur de dire qu'il faisait partie du maquis.

A la suite de la dissolution du maquis, j'ai vu, parmi les cadavres que j'ai découverts à Lagune-Salle, que deux avaient été tués autrement que par balle. En effet, l'un d'eux, le père Piboteau, qui ne faisait pas partie du maquis, avait été baillonné et les différentes parties du corps avaient été attachées. Il avait l'épaule gauche brisée et le thorax défoncé. Un autre, le jeune Mortagne, avait eu un oeil crevé et l'autre arraché.

Tout ceci démontre bien que ces hommes avaient été martyrisés, mais pas été tués par des coups de feu. Sur six autres cadavres que j'ai vus, à proximité des bois de Nodris, j'ai très bien remarqué qu'un de ceux-ci avait les joues arrachés. Un autre avait la nuque criblée de balles et les membres brisés; le troisième avait eu le visage brûlé et les autres avaient subi un sort analogue.

A déclaré avoir été le témoin d'actes de brutalité commis par les soldats allemands sur la personne de Normandin René. Cet homme a été frappéavec la plus grande sauvagerie possible.

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