Biographie.
Résistants honorés.


Tamisé Gilberte Les femmes
dans la Résistance.

Tamisé Andrée.

Cahier de la Résistance n°15
Bordeaux 1940-1944, René Terrisse
Hommage aux fusillés de la région bordelaise.
Trois filles, vingt garçons, Michel Slitinsky.
Le convoi du 24 janvier, Charlotte Delbo.

Leur père était bottier, dans la proche banlieue de Bordeaux, et elles sont nées toutes deux dans une maison qui porte maintenant une plaque: "Andrée Tamisé, née dans cette maison le 28 février 1922, morte à Auschwitz le 8 mars 1943".

Gilberte née le 3 février 1912, avait à peine plus de dix ans lorsque sa mère est morte, laissant son bébé de sept mois: Andrée. Gilberte a été la grande soeur et la petite mère. Elle a quitté l'école Jules-Ferry de Caudéran pour rester auprès de sa soeur. Elle a eu des leçons chez elle jusqu'au brevet élémentaire, puis elle a appris la sténodactylographie parce que son père voulait qu'elle ait un métier, mais elle n'a jamais pris d'emploi.

Andrée a fréquenté l'école Paul-Lapie, à Caudéran, jusqu'au brevet élémentaire et, quand la guerre a éclaté, elle n'avait pas encore fait choix d'une carrière. Mais elle avait fait choix d'un idéal, le même que sa soeur, le même que son père: communiste.

Dès que la Résistance prend corps, elles ont une ronéo chez elles, tapent et tirent des tracts, les portent dans tout le département. Andrée anime un groupe d'étudiant bordelais et de jeunes des Auberges de jeunesse (sur une vingtaine de ces jeunes gens et jeunes filles, deux seulement se sont retrouvés après la guerre). Gilberte fait la liaison entre Bordeaux, Bayonne et Tarbes pour un groupe F.T.P. dirigé par Charles Tillon.

Gilberte et Andrée ont été arrêtées chez elles, le 3 avril 1942, par la police de Poinsot. Des étudiants avaient été arrêtés quelques jours plus tôt. Alertées, elles auraient dû fuir. Mais leur père était interné au camp de Mérignac. Peut-on laisser un prisonnier qui a besoin de vivres, de soutien? Peut-on laisser son père sur qui peuvent s'égarer des représailles?.

Elles ont été emprisonnées au fort du Hâ jusqu'au 14 octobre 1942, ont fait ensemble le voyage de Romainville, le voyage d'Auschwitz.

Auschwitz n°31.714
Andrée Tamisé est morte le 8 mars 1943. Elle était déjà affaiblie par la dysenterie quand elle a eu une congestion pulmonaire. Pourtant, elle voulait tenir, ne pas quitter sa soeur, ne pas aller au revier. Au bras de Gilberte, elle se traînait vers les marais, vers les briques, vers le sable. Elle respirait de plus en plus difficilement. Un jour, elle a dit à Gilberte: "Je ne peux pas te suivre. Après l'appel elle a voulu se mettre dans la colonne de celles qui entraient au revier. Des Polizeis l'on refoulée: il y avait trop de malades, ce jour-là. Elle a été rouée de coups et renvoyée au block. Les commandos de travail étaient déjà partis. Elle a essayé de se cacher dans le block, d'y attendre le retour de Gilberte. Une stubova l'a découverte, l'a traînée dehors, l'a battue. Le soir, Gilberte a trouvée Andrée sale, couverte de boue, bleue de coups, épuisée. Andrée est morte dans la nuit, près de sa soeur qui, le matin - le matin, c'était la nuit noire, le réveil était à trois heures - , en sortant pour l'appel, a porté Andrée dehors, l'a déposée le long du mur du block, dans la boue. Tendrement. Et Gilberte est allé à l'appel.

La mairie de Caudéran a reçu d'Auschwitz un avis de décès en mai 1943; elle l'a communiqué au père, interné à Mérignac depuis 1940.

Auschwitz n°31.715
Gilberte Tamisé a tenu à Birkenau malgré la mort de sa soeur qui l'a laissée égarée, absente d'elle-même. Ses camarades ne la quittaient pas un instant. Elle a tenu. En juillet 1943, elle était à Raisko. Elle a fait partie du petit groupe de huit qui a été désigné par le commandant d'Auschwitz pour être transféré à Ravensbrück le 7 janvier 1944 à Beendorf, avec Lucienne Thévenin et sa soeur, Cécile Charua, Simone Alizon. Elle a été libérée comme elles le 2 mai 1945, après un voyage de douze jours au cours duquel mille déportés ont trouvé la mort: fusillade, soif, faim, fatigue, étouffement dans des couvertures par les kapos qui se faisaient de la place dans les wagons.

Gilberte a été rap
atriée de Suède le 23 juin 1945. Et depuis? "Je suis revenue malade, très longue à me remettre de la perte de ma soeur. J'avais perdu ma soeur et mon enfant. Et le choc, à la maison, où ma soeur ne reviendrait pas, où il fallait expliquer à mon père, rentré malade après des années de camp... La réadaptation à la vie m'a été très difficile. Puis, de 1951 à 1953, j'ai dû soigner mon père, tuberculeux. Il est mort en 1953. Je ne travaille pas, ma santé est trop mauvaise. Chaque nuit, éveillée ou endormie, je retourne au camp, je revis tout ce que nous avons enduré et je pense à toutes celles que nous y avons laissées.