Biographie.
Résistants honorés.

Moniot Pierre et Marie Suzanne

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Moniot Pierre
Moniot Marie-Suzanne
Répertoire M Le réseau
Jade Amicol.
Retour Les T.E.O.B. Cie de transports
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Mémoire de Marie-Suzanne Moniot.

Pierre Moniot Marie Suzanne Moniot

Marie Suzanne Moniot née, Van der Steen, en 1898, est la fille aînée d'une famille de dix enfants. En 1918, elle est institutrice à l'école libre "Blanche de Castille", au Chesnay.

Elle est mariée à Pierre Moniot. Quatre enfants vont naître de cette union.

Elle sait pertinemment que son mari a mal supporté la défaite de 1940; elle n'est donc pas étonnée lorsqu'il lui fait part de son appartenance à un réseau de Résistance, le réseau Jade-Amicol. Femme pratique, s'adaptant vite à la situation, elle prend de suite la décision de congédier sa bonne. Il est, en effet, préférable d'éviter un témoin pouvant être gênant, surtout qu'il va lui falloir accueillir sous son toît différents visiteurs pour qui l'anonymat est primordial. Au courant des activités de son époux, il lui faut parfois servir d'intermédiaire pour faire croire, par exemple, aux employeurs de celui-ci, qu'une absence, motivée par une mission immédiate, était, selon ses déclarations, due à une grippe aussi brutale que soudaine. La clandestinité va envahir la vie familiale; Pierre Moniot pratique, sur la table de la salle à manger, l'encodage des messages devant partir pour Londres. Le danger est là. Une simple fausse alerte et le couple se retrouve au fond de leur jardin, enterrant les documents en leur possession dans des boîtes métalliques.

Les activités de Pierre Moniot dans la Résistance se répercutent, malheureusement et malgré lui, dans sa vie familiale entraînant femme et enfants à ses côtés.

Le vendredi 22 septembre 1943 la famille Moniot bascule dans la clandestinité. En effet, ce jour là, Marc Favrichon et Louis Sieffert sont arrêtés pendant une émission radio. Le réseau en sa totalité est en danger. Marie-Suzanne Moniot range à ses côtés ses filles , Marie-Claude et Marie-Christine, ainsi que le benjamin François. Alain est alors dans une ferme en Charente. Dans l'instant, les valises sont prêtes. Le soi même, la famille trouve asile chez des amis sûrs.

Mais Pierre Moniot doit rejoindre à Paris l'état-major du réseau; à Marie-Suzanne de passer à la banque retirer le modeste avoir familial et d'alerter ceux du réseau qui ne le sont pas encore. Puis, le samedi 24 septembre 1943, départ par le car avec François, le benjamin (quatre ans et quatre mois), chez le docteur Fournier, à Castillon. Marie-Claude et Marie-Christine doivent la rejoindre le lendemain, en empruntant le bus; une astuce pour brouiller les pistes.

Premiers pas dans la clandestinité, premières angoisses. Marie-Christine et Marie-Claude ne sont pas dans le train comme prévu; elles arrivent par le bus alors que leur mère, craignant la Gestapo, les recherche fébrilement. Une fois les voyageuses retrouvées, les nouvelles tombent, tragiques. Sieffert et Favrichon ont bien été arrêtés et ce dernier a essayé de se trancher la gorge avec un couteau de cuisine, chez lui, lors de la perquisition menée par les Allemands. Conduit à l'hôpital, il rejoint, après les soins, Sieffert dans la torture. Tous deux seront déportés après des semaines d'interrogatoires et de sévices.

La famille, déjà privée de son chef, va encore éclater pour des raisons de sécurité. Un ancien lieutenant de la compagnie de transport, commandée par Pierre Moniot, accepte d'héberger pour, un temps, les deux jeunes filles dans son exploitation agricole. Leur mère reçoit l'ordre de quitter Castillon immédiatement avec le petit François. Il lui faut se rendre au couvent de la Sainte Agonie devenu le quartier général du "chef", le colonel "Olivier" où, momentanément, elle retrouve son époux.

Dès l'arrivée, c'est la recherche d'une chambre. Il en est une dans un petit hôtel proche du couvent. Des membres du réseau de passage s'y trouvent parfois logés. Mais il apparaît vite que, par la suite de bavardages inconsidérés que seul l'alcool peut provoquer chez certain, les lieux ne soient pas sûrs. Dés lors, le chanoine Viollet accepte d'accueillir les clandestins.

Bientôt, Marie-Suzanne doit partir, seule, ses enfants étant toujours à Castillon. Une nouvelle cache lui est trouvée, à ChampRozay, près de Draveil. Un asile fragile où, au sein d'une famille de dix enfants, voisinent une bonne, membre du réseau Jade-Amicol, le père et la mère apparemment pétainistes, une tante prêchant la collaboration et une autre un peu plus compréhensive que tout le monde appelle "marraine".

Mais le "Chef", touché par son isolement, décide de réunir à nouveau Madame Moniot et son plus jeune fils, François, âgé de quatre ans. Il ne la quittera plus jusqu'à la Libération. Parallèlement, Marie-Christine et Marie-Claude quittent leur refuge de Castillon pour monter à Paris, au Quartier Général. Il a été prévu de leur faire continuer les études dans une maison d'éducation religieuse, chez les "Dames de Sion" où leur mère doit les présenter. Le scénario de la rencontre est d'avance tracé. Veuve, suite à des circonstances tragiques, elle confie ses filles au couvent d'Ivry-Petit-Bourg, en recommandant aux religieuses de ne jamais les interroger; elles restent fortement traumatisées par la disparition de leur père.

Tout cela parait simple, les soeurs ayant été au préalable avisées.

Première déconvenue, les trois visiteuses, accompagnées du petit François, découvrent en arrivant, un Allemand dans le parloir. Suspicion et inquiétude. Deuxième surprise, les religieuses n'entendent rien au scénario qui leur est présenté et dont elles ne croient pas le moindre mot. Sûres d'être en face d'une menteuse, elles adjurent celle-ci de dire la vérité. Malgré tout, touchées par la détresse qu'elles sentent présente, elles acceptent de garder les deux jeunes filles pour la nuit. Marie-Suzanne reprend la direction de la gare, portant d'un côté la valise d'effets préparés pour l'internat des ses filles et tenant dans l'autre main la menotte de François. Sur le quai de la gare se trouvent la Mère supérieure et son adjointe qui persistent à vouloir connaître la vérité. La conversation se poursuit. Le train arrive. Il est temps de partir. François a disparu!

Lâché par la main maternelle, ne la voyant plus, il va dans la foule, cherchant sa mère en pleurant. Elle s'affole. Sans papiers, elle ne peut appeler la police. Courant en tête du train, elle réussit à retarder le départ du convoi. Heureusement, l'enfant est vite retrouvé.

Le lendemain, retour chez les "Dames de Sion". Heureusement, le problème a trouvé sa solution. Les religieuses, informées par leur maison de Paris, sont prêtes à accueillir Marie-Claude et Marie-Christine qui, déjà, ont sympathisé avec leurs nouvelles compagnes. Elles y vécurent deux ans.

Restait à régler le sort d'Alain vivant alors en Charente chez un fermier qui, durant la campagne 39-40, avait servi sous les ordres de Pierre Moniot. Le "Chef" envoie un émissaire sur place pour récupérer le garçon. Ce fut un véritable kidnapping. Alain se retrouve à Paris en sabots et blouse campagnarde comme un petit paysan, sans valise ni effets de rechange. Il a onze ans. Mis à l'écart de toutes recherches policières possibles, Alain va reprendre ses études au collège de Soisy sous Etrolles, assez proche de Champrozay. Demi pensionnaire, il peut retrouver sa mère chaque soir.

A la veille de la rentrée scolaire, la famille de Champrozay hébergeant Marie-Suzanne Moniot décide de réintégrer Paris. Seule, "marraine" reste sur place. Depuis ce refuge, Marie-Suzanne a la
possibilité de rendre visite à ses filles, évidemment accompagnée de François pour qui cette vie clandestine reste complexe. Une simple rencontre avec ces soeurs devient chose difficile car il faut lui expliquer que Marie-Christine et Marie-Claude s'appellent dorénavant Geneviève et Thérèse Cartier, et qu'il doit dire: "bonjour, Geneviève, bonjour Thérèse ...". Et puis, le jour venu, en présence de ses soeurs le gamin se révolte: "Non, je ne veux pas leur dire bonjour Geneviève, bonjour Thérèse. C'est Marie-Christine et Marie-Claude...!"

Pendant ce temps, Pierre Moniot poursuit son oeuvre de Résistant. Pas de contact avec sa famille. Ou, peu... Un rendez-vous, à Paris, organisé par le "Chef". Un couloir de métro... La peur au ventre... Des retrouvailles rapides se terminant dans une église.

Et puis, un jour, le refuge de Champrozay perd sa relative tranquillité; les neveux de "marraine", réfractaires au S.T.O sont partis se cacher dans la nature. En conséquence, l'asile de Champrozay risque de recevoir, très rapidement, des visites malvenues. Alain, maintenant Dominique, devient pensionnaire dans son collège. Marie-Suzanne et François repartent sur Paris avant de rejoindre, à Chatou, la "maison d'oeuvre" du chanoine Viollet, demeure dédaignée par la troupe d'occupation, qui la trouve trop spartiate, au bénéfice des clandestins, qu'ils soient Résistants ou israélites.

Il semble intéressant de reproduire, ici, les remarques que la clandestinité inspirait à Marie-Suzann
e Moniot.


A ce propos, je voudrais faire comprendre, à ceux qui n'ont jamais été clandestins, ce qui leur paraît sans doute ridicule. Nous avions des peurs, des frayeurs, à leurs yeux puérils. Eux, qui sont "en règle" et, par conséquent protégés, ne peuvent évaluer ce sentiment d'insécurité perpétuelle qui rend méfiant en toute circonstance et fait redouter partout un danger, non seulement pour eux-mêmes, mais pour le groupe dont ils font partie. Cette angoisse, chaque jour renouvelée, est le lot de tous ceux qui, délibérément, se sont mis "en dehors" des lois établies.

Pour leur conscience, la désobéissance est un devoir.

Il arrive, parfois, un évènement tragi-comique, parfois cocasse. C'est ainsi que François, petit garçon blond aux yeux bleus, au teint très clair, attire la curiosité de l'occupant. Croyant reconnaître la pureté de la race, cette curiosité entraîne de petits gestes de sympathie. En ces occasions, le plus souvent, François devient tout rouge et ... fait pipi dans sa culotte!

Le retour sur Paris rapproche François, son père et sa mère. Pierre Moniot travaille dans la région parisienne. Il peut, presque tous les soirs, rejoindre sa famille; à des heures irrégulières. La journée, il sillonne Paris porteur de documents alors que les Allemands font des rafles dans le métro. Moniot détient sur lui une fausse carte d'identité le vieillissant de dix ans. Fausses cartes d'identité, fausses cartes d'alimentation, fausses identité... Marie-Suzanne, pour sa part est, à Chatou, la fille Adolphe, abandonnée, dès la naissance de son bébé (en l'occurrence François).

Et puis, les troupes alliées débarquent en Normandie. Pierre n'est pas libéré, pour autant, de ses activités. Le "Chef" l'emploie dans diverses missions de liaisons, l'éloignant de plus en plus de Chatou.

Fatiguée par la tension continuelle, affaiblie, comme beaucoup d'autres, par les privations, assumant brutalement ses 45 ans, Marie-Suzanne doit s'aliter. Quittant son refuge clandestin, elle se réfugie chez une parente, à Paris.

Les hostilités sont bientôt terminées. Le temps des projet va bientôt se présenter. Pierre part en mission sur Bordeaux. Sur le chemin du retour, aux approches de Brannes, un camion F.F.I, venant en sens inverse, les accidente. Pierre Moniot, qui occupe la "place du mort", tombe dans le coma. On le pense mort. La Providence veut qu'un médecin passe et descend de sa voiture. Il pratique très rapidement la respiration artificielle et, bientôt, Pierre Moniot revient à la vie. Quelques jours plus tard, Marie-Suzanne se trouve à son chevet.